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L’histoire du ski à La Clusaz se confond très largement avec l’histoire des sports d’hiver dans le val de Thônes et ses environs, au début du 20ème siècle.
A une époque où l’enneigement était plus conséquent et plus durable en vallées, beaucoup d’amateurs de sports d’hiver venus d’Annecy s’arrêtaient à Thônes, au terminus du tramway inauguré en 1898 pour pratiquer la luge, le bobsleigh ou le ski :
Rares étaient encore en ce temps-là ceux qui osaient braver en traîneau les routes irrégulières et plus ou moins bien enneigées pour rallier le village de la Clusaz, alors régulièrement coupé du monde et où n’existait qu’un seul hôtel, “des Aravis”, héritier de l’historique “Auberge du Passage des Aravis” ouverte dès 1780 :
La période estivale n’était devenue touristique que quelques années auparavant, en 1902, quand ouvrit la route moderne du col des Aravis.
Dès lors le village était devenu un relai de diligences assurant un afflux plus conséquent et réguliers de touristes, c’est précisément de cette époque que date le second hôtel “du Lion d’Or” :
Si les premiers skieurs venus d’Annecy, de la Suisse voisine voire d’Angleterre commencèrent bien à tracer la neige de La Clusaz dès 1907, la saison d’hiver mettrait du temps à prendre le pas sur celle d’été.
En 1908 et à l’initiative du Club Alpin Français, commencèrent à s’y organiser des concours de ski, ce qui n’était pas une mince affaire puisqu’il fallait rallier La Clusaz depuis Thônes en traîneau puis monter à peaux jusqu’au col des Aravis !
Néanmoins ces sorties dominicales à la journée devinrent la règle dès que le temps le permettait, et apportèrent au village jusque-là endormi en cette saison une activité hivernale non négligeable.
Elles cessèrent hélas avec la guerre en 1914 pour ne reprendre qu’en 1920, interrompant ainsi ce début de développement économique hivernal…
En 1923 arriva au village Joseph Bertone, un jeune instituteur féru de ski qui donna non sans mal le goût du ski à ses élèves, car le curé fut d’abord contre et son influence à l’époque était encore très grande… En 1925, il créa le club des sports.
Dès 1926, se créa sous la houlette d’Isaïe Gallay, alors propriétaire de l’hôtel “le Lion d’Or”, le “comité du tourisme et des sports” puis à partir de 1927 la route d’accès au village fut régulièrement déneigée à coups de herse trainée par 5 ou 6 juments !
Dès lors la fréquentation hivernale prit un nouvel essor, provoquant l’ouverture des hôtels en cette saison.
Les fins de semaine les skieurs venus de Genève ou d’Annecy envahissaient littéralement les pentes enneigées du village, une fréquentation dopée par l’apparition d’un premier tremplin en 1928, année qui vit ouvrir la pension “Saint-Joseph” :
En 1929 ouvrit dans le secteur haut du village le “Nouvel Hôtel”, alors isolé dans un nouveau secteur en sortie du village dont il marqua le début de l’urbanisation :
Cette même année fonctionna pour la première fois la patinoire naturelle, qui faisait initialement 400 m² mais dont la superficie fut très vite portée à 1500 m² sous l’impulsion de la compagnie P.L.M, qui “oublia” hélas de verser sa subvention mettant ainsi en difficulté le comité…
Si le tramway reliant Annecy à Thônes disparut dans une indifférence quasi générale le 14 mai 1930, c’était que l’avenir passait désormais par la route : les cars de la P.L.M eurent tôt fait de faire oublier le cahotant tortillard à vapeur…
Après la nouvelle patinoire, une autre installation marqua l’essor de la station en 1931, le fameux tremplin “Pergod” édifié au pied du bois de La Motte :
Dès cette époque et eût égard à sa topographie, La Clusaz se fit connaître par le potentiel qu’elle offrait pour le ski en ce temps-là apparenté au ski de randonnée, avec talon détachable et peaux dites “de phoque” pour remonter, ce qui n’était pas à la portée du plus grand nombre donc limita le développement hivernal de la station…
En 1930 donc, un entrepreneur annécien du nom d’Auguste Fournier avait pourtant émis l’idée d’un vrai téléphérique à l’assaut de Beauregard, mais sa proposition resta lettre morte : ce genre d’engins, lancé en France à Chamonix quelques années auparavant, n’était-il pas à l’époque encore strictement dévolu au tourisme estival ?
Voici le plus ancien guide touristique trouvé concernant La Clusaz, un livret destiné à être offert gracieusement par les commerçants publié en 1931 :
Outre une publicité pour les autocars PLM qui ont pris le relai du tram, il est témoin précieux de la vitalité des hôtels et des commerces de l’époque alors déjà très diversifiés en ce début des années 1930 :
Il prouve sans aucune ambiguïté que La Clusaz était déjà, sous l’impulsion du “comité touristique et sportif” et avant même l’avènement des premiers “remonte-pentes”, une station touristique non seulement estivale mais désormais hivernale !
L’enneigement de l’époque ferait rêver de nos jours, tandis que les traîneaux croisaient encore parfois les véhicules automobiles :
Les tremplins et la patinoire constituaient alors encore les seuls véritables équipements de sports d’hiver :
Les premiers plans des itinéraires qui sous une apparence sommaire étaient déjà très détaillés et précis et destinés à être utilisés pour les deux saisons :
On constate qu’avant même les Crêts du Merle, du Loup et l’Aiguille, les massifs de Balme et de l’Etale déjà fréquentés par les skieurs étaient en ligne de mire pour de futurs aménagements !
C’est que la saison estivale, qui était période historique de tourisme, restait une valeur sûre :
Elle connut même un certain regain à la faveur de l’alpinisme, dont l’âge d’or démarrait avec les progrès techniques du matériel :
En 1933 ouvrit l’hôtel “Beau Site” aux Riffroids et le ski commença sérieusement à se développer à La Clusaz. C’est alors que l’audacieux Fournier revint à la charge et inventa spécialement à destination du village le “premier téléphérique sur neige” pour skieurs, le fameux télétraîneau partant près de la route du col jusqu’au Praz à peine 300 mètres plus loin.
Il ne s’agissait que d’une grosse luge de chêne trainée par un treuil dont voici la seule illustration :
L’appareil brinquebalant tourna sous cette forme deux hivers entiers avant que l’entrepreneur découragé ne quitte La Clusaz peu après avoir impulsé en Haute-Savoie et avec succès la construction des téléphériques panoramiques du Salève et du Mont Veyrier, en association avec le banquier Léon Laydernier.
Néanmoins le succès fut au rendez-vous, comme en témoignent les différents concours de skis qui furent organisés au milieu des années 1930 :
Du coup la relève fut immédiatement prise par les commerçants qui créèrent en 1935 la “Société du Télétraîneau”, laquelle entreprit d’installer un second engin à double voie plus performant, sur un tracé différent et rallongé à ses deux bouts qui franchissait la route “moderne” du Col des Aravis via un grand pont métallique enneigé : chaque luge, construite en aluminium pour gagner en légèreté, disposait de 18 places et d’un emplacement spécial pour les skis ainsi que d’un double frein et d’un téléphone portatif !
Sa longueur était de 1065 mètres pour 287 mètres de dénivellation, le trajet durait 7 minutes.
Il fut inauguré en janvier 1936 et dès lors, l’exploitation du premier engin fut définitivement arrêtée.
Le succès ne se fit pas attendre, et chaque fin de semaine il fût pris d’assaut !
L’année 1937 vit s’ouvrir l’hôtel “des Sapins”, aux Riffroids, et celui du “Gai Soleil” à la Perrière.
Ainsi, en janvier 1938, le numéro 294 du magazine “La Montagne” émanant du Club Alpin Français fit auprès de ses adhérents la promotion du site de La Clusaz à des fins de ski de randonnée, et publia une carte dressée durant les hivers 1935/36 et 1936/37 avec les différents itinéraires que voici en exclusivité :
Ce numéro contribua grandement à donner une image nationale voire internationale à la station de La Clusaz dont les hôtels totalisaient déjà à l’époque 250 chambres, l’article la mentionnant étant situé parmi de délicieuses publicités des années 1930 :
L’article évoquait également deux remonte-pentes au Col des Aravis installés sous l’impulsion d’Isaïe Gallay (hôtel “du Lion d’Or”), Marcel Bouchet et surtout de Paul Machenaud, propriétaire entre autres de chalets situés au col.
On parle d’un petit télétraîneau léger installé sur le territoire communal de La Giettaz, mais surtout d’un tout premier téléski construit par un certain George Dandelot dont ce fut là le premier fait d’armes dans le domaine des remontées mécaniques, lui qui était jusque-là spécialisé dans les monte-foins.
Il prit un brevet en 1937, le remonte-pente ALTA de type enrouleurs, dont il installa avec son associé le prototype dans un champ à Annecy-Le-Vieux avant de le remonter au col des Aravis où il ne connaîtrait pas bonne fortune, disparaissant très prématurément vraisemblablement en raison d’une avalanche :
On constate que l’engin était mu par un moteur électrique, chose à l’époque exceptionnelle s’agissant de téléskis, et que ses pylônes étaient constitués de cabrettes de bois sans doutes mises à rude épreuve par le climat humide des Alpes occidentales, tout particulièrement dans les Aravis…
Toujours en 1938 ouvrit l’hôtel de Beauregard, près du hameau du Bossonnet, un gros établissement doté d’un cabaret où, en plus de boire, on pouvait entendre de la musique et danser :
Dès lors, les congés payés et la mode aidant, la saison d’hiver devint prédominante sur celle d’été et le “téléphérique sur neige” fût complètement dépassé par son succès !
C’est précisément à cette époque, l’assurance de la viabilité économique hivernale étant désormais acquise, qu’un groupe d’hôteliers et de commerçants de La Clusaz et de Thônes ressortirent le projet de Fournier : en 1939 une société se créa pour construire ce téléphérique vers Beauregard, la commune ayant déjà décidé de louer pour 18 ans le terrain permettant l’implantation de la station aval.
Voici un prospectus d’époque mentionnant, entre autres destinations, La Clusaz :
Il vante une station déjà largement renommée tant l’été que l’hiver, nous apprenant au passage la présence en l’église Sainte-Foy d’une vie de Jésus en coquillages ayant selon la légende appartenu à la reine Marie-Antoinette, mais aussi l’existence avérée de homes d’enfants (chalet “des enfants”, chalet “Lumen”) alors en plein essor du fait des théories hygiénistes très en vogue dans les années 1930.
Dans le même temps, quelques sportifs annéciens nourrirent le projet d’une station satellite dite “Super La Clusaz”, situé sur le Crêt Braffaz à l’entrée des Confins et couplée à l’équipement de la combe de Balme pour le ski :
La “Société du Téléphérique de Balmaz” vit le jour dans ce but mais hélas, la guerre qui survint gela tant ce projet que celui du téléphérique de Beauregard, qui avorta pour la seconde fois…
Mais malgré le conflit, une clientèle fortunée plus ou moins réfugiée continuera à faire vivre les hôtels comme “Le Christiania” qui, presque achevé avant la survenue de la guerre, put ouvrir en 1940 :
En 1942 ces clients un peu particuliers côtoieront même les troupes allemandes qui, logées sur réquisition “Au Lion d’Or”, utilisèrent le télétraîneau qui ne cessa jamais de fonctionner pour s’entrainer avant leur envoi en Russie !
Ceci pourrait expliquer non seulement le maintien de l’engin durant cette sombre période mais aussi l’installation en 1942 d’un téléski artisanal, prenant sa suite à La Ruade pour escalader le Crêt du Merle : son constructeur, le mauriennais Gabriel Julliard, se ferait plus tard connaître par ses célèbres télébennes métalliques mais en attendant cette consécration son téléski connut panne sur panne, avant tout parce que lorsque qu’il vint procéder à l’alignement des pylônes il y avait un épais brouillard qui ne manqua pas… de l’embrouiller !
Le téléski de Julliard et sa cabane, visible à droite de l’arrivée du télétraîneau et partant à l’assaut des pentes du plateau du Merle :
Toujours en 1942, en pleine guerre et sur l’exemple de Val d’Isère, on vit ressurgir le projet d’équipement de la Combe de Balme paraît-il matérialisé sur les prospectus du syndicat d’initiative qui ne se ferait hélas pas davantage qu’en 1939…
Les deux installations enchaînées existantes que l’on voit ci-dessus restèrent donc seules et ne désemplirent pas, malgré des vicissitudes de fonctionnement notamment sur le téléski menant au Crêt du Merle.
La clientèle, voulant fuir les restrictions sévissant de plus en plus en plaine, vint en effet régulièrement à La Clusaz faire le plein de bonne chère car il faut dire que la nourriture n’y manquait pas comme en ville : elle s’y amusait même beaucoup, notamment à “l’Igloo”, le cabaret de l’hôtel Beauregard qui durant toute la guerre ne désemplit pas lui non plus et fût même le théâtre de quelques débordements comme l’arrivée d’une vache sur la piste de danse !
Une auberge de jeunesse ouvrit même ses portes, dans un bâtiment loué sur la route du Danay.
Mais peu après la libération du village, un drame survint, le 12 janvier 1945 : le serre-câble avant du télétraîneau lâcha mais pas celui de l’arrière, du coup le véhicule montant se plia sur lui-même au niveau du pont en faisant 5 morts et de nombreux blessés, un accident qui marquerait cruellement et durablement les cluses.
Suite à cela ce type d’appareil fut interdit à l’exploitation en France, et les membres de la vénérable société du télétraîneau jetèrent l’éponge du fait que la réputation de La Clusaz était pour longtemps entachée et qu’ils furent traînés en justice…
A partir de janvier 1945 l’étroite piste d’accès au plateau du Merle resta donc la seule à amener au téléski de Julliard, unique remontée alors en service à La Clusaz quand elle voulait bien fonctionner…
Une nouvelle société dite “Société d’Equipement Touristique de La Clusaz” ou SETLC fut constituée avec divers capitaux privés, car la commune chercha à se désolidariser des conséquences judiciaires à venir de l’accident…
La soif de liberté et d’amusement était si énorme qu’il y eut une demande forte comme jamais auparavant et qu’il fallait bien satisfaire : même au plus fort des années 1930 il n’y eût jamais autant foule aux abords des fronts de neige du village, des Confins ou même du col des Aravis !
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Au village l’hôtel du “Crêt du Loup” finit enfin par ouvrir en 1946 alors qu’il avait été commencé en 1935, sa construction ayant été très impactée par le conflit :
A peine un an après le funeste accident du télétraîneau, et contrairement à tout ce qui a pu être écrit dans les ouvrages antérieurs relatant l’histoire du tourisme à La Clusaz, les choses bougèrent vite au niveau des remontées mécaniques : dès 1946 exit le capricieux téléski de Julliard, un nouveau téléski partant de plus bas nommé à ses débuts “téléski La Clusaz/La Spatule” fut construit !
Cet appareil fut livré par la société Applevage, un constructeur de grues de levage et de ponts roulants portuaires qui produisit des téléphériques à voyageurs dès 1936 avec celui du Sancy puis en 1942 celui de Solaise à Val d’Isère, et permettait de partir de plus bas mais toutefois pas exactement du village ce qui fit que son accès privilégié se faisait encore par son sommet via la route du plateau du Merle…
Ce premier grand téléski, qui changea aussitôt de nom pour prendre celui de “téléski du Crêt du Merle” plus simplement surnommé “du Merle”, laissa beaucoup de photographies :
C’est dans ce contexte d’après-guerre que les frères Périllat créèrent au terminus de la piste d’alpage du Merle leur hôtel restaurant “du Crêt” situé en bordure du plateau au sommet du nouveau téléski.
La piste y menant n’était que boue, graviers et glace et s’effondrait même par endroit, mais en cas de pénurie de neige sur le bas on pouvait toujours accéder à leur établissement rapidement rebaptisé “Chez Arthur” et aux champs de neiges d’altitude au moyen de deux véhicules à six roues de la General Motors que Marcel Périllat avait rachetés aux américains après la libération et transformés en navettes à ciel ouvert :
Bien pratique car beaucoup de clients potentiels avaient peur de s’aventurer sur cette terrible piste pleine de trous à peine déneigée et boueuse donc glissante, ne disposaient pas de voiture ou craignaient tout simplement pour son stationnement une fois rendus à bon port.
Il est plus que probable qu’une partie du premier téléski du Merle, celui de Gabriel Julliard, ait servi à la SETLC pour constituer au village au-dessus du Champ Giguet un téléski identique plus court spécialement destiné aux débutants donc dénommé “téléski Ecole” :
On voit que ce petit tire-fesse à enrouleurs, qui comme son ancêtre présumé partait d’une grosse cabane, reliait en quelque sorte les routes du Gotty et du col.
Deux ans après, en 1948, Applevage livra au départ du plateau du Merle un téléski identique à celui du Merle dont il constituait un second tronçon et qui partait au pied de l’hôtel restaurant “Chez Arthur”, un appareil mentionné à ses débuts comme “téléski la Spatule/Le Crêt du Loup”.
Ce choix d’implantation fut dicté par l’enneigement, qui s’il était bon la plupart du temps, pouvait se révéler de piètre qualité surtout avec le matériel de l’époque : en quelque sorte on recycla un des principes de “Super La Clusaz” initié à la fin des années 1930 puis mis en œuvre avec succès en 1946 à Courchevel 1850, qui fût la première station d’altitude dite “de seconde génération”.
C’est vraisemblablement à ce moment-là que la piste d’accès au plateau du Merle fut goudronnée pour devenir une route :
Le nouveau téléski, démarrant comme celui du Merle d’une impressionnante construction en tour, grimpait fort vertigineusement à l’assaut des pentes menant au Crêt du Loup et du fait qu’il dépassait pour la première fois à La Clusaz l’altitude de 1800 mètres d’altitude donc que son enneigement était garanti en quantité et en qualité, il laissa une large iconographie et s’imposa comme le symbole de la station dont il marqua la reprise du développement brisé trois ans plus tôt :
Il deviendrait aussitôt le “téléski du Crêt du Loup” et le fleuron du domaine skiable de La Clusaz, qui en cette fin des années 1940 comptait trois téléskis dont deux d’une grande longueur, et serait le dernier installé par la firme qui recentrerait ensuite son département transport de personnes uniquement sur les téléphériques.
Ce dépliant vraisemblablement édité pour l’hiver 1949/1950 par l’office de tourisme, dont la planche avant est illustrée par Serrelongue, vient matérialiser l’entrée dans la nouvelle décade :
En 1950 s’ouvrit un nouvel hôtel, “Les Bruyères”.
Si les deux grands téléskis signèrent la renaissance du tourisme d’hiver au village, ils ne s’adressaient qu’aux skieurs confirmés et ne permettaient guère l’apprentissage des nouvelles générations de skieurs, pas davantage aidés par le téléski école qui était en dévers et donnait un accès fort malaisé à sa piste !
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C’est sur ce créneau laissé vacant qu’on vit s’installer en 1951 une première micro société privée, la société du “Téléski Etoile du Soleil” vite dénommé “Télé Soleil”, qui installa son téléski éponyme juste au-dessus du village sur le versant opposé c’est-à-dire au sud-est donc ensoleillé, un petit téléski portatif néanmoins débrayable doté de pylônes tripodes :
L’œil averti aura noté que cet appareil montait à droite dans sa première configuration (photo de gauche) puis fut modifié pour monter à gauche, avant qu’une nouvelle route d’accès au hameau depuis l’entrée du village ne l’ampute carrément de son tracé bas à la fin des années 1950 :
Le dépliant du syndicat d’initiative pour la saison d’été 1952 nous montre que cette saison n’était pas en reste :
En 1953 la SETLC, consciente de l’intérêt d’un accès à ses téléskis depuis le village dont la capacité se développait rapidement, fit installer au départ du bord amont de la route du col un téléski lui aussi métallique de manufacture Poma qui serait le premier du constructeur à La Clusaz dont l’arrivée coïncida avec l’ouverture de l’hôtel “Le Vieux Chalet” qu’il desservait directement, c’était le téléski “de la Ruade” :
Sa clientèle était certes moins débrouillée que celle des deux téléskis qui le suivaient, mais ce n’était pas pour autant un téléski purement destiné aux débutants : il servait à faciliter l’accès au téléski du Crêt du Merle, lui-même étant accessible depuis le village au moyen du téléski “Ecole” qui devint lui aussi un appareil de liaison entre le Champ Giguet et le versant du Merle.
Dès lors ce dernier satura à tel point que, dès l’année suivante, la SETLC le changea pour un nouveau téléski à perches cette fois, dont il est avéré qu’il ne démarrait pas d’une cabane comme le prouve cette photo même s’il disposait d’un chalet de commande :
En 1954 les travaux d’un hôtel commencèrent au sommet de Beauregard en prévision du chantier du futur téléphérique dont le déboisement commença à l’automne et qui prendrait le nom d’hôtel “Du Téléphérique”.
Car il faut dire que les équipements se réduisant à quatre téléskis enchaînés ne permettaient pas d’envisager le développement de la SETLC avec sérénité, les trois premiers étant régulièrement exposés au manque de neige donc bloquant l’accès direct depuis le village au troisième qu’il fallait rallier via la route du Crêt du Merle à un moment où d’autres stations de première génération, toutes situées à basse altitude, commencèrent à suivre l’exemple de Megève en faisant le choix d’appareils téléportés permettant depuis les vallées d’aller chercher la neige plus haut (Villard-de-Lans, Chamonix, Pralognan ou Serre Chevalier pour ne citer qu’elles)…
C’est donc dans cette optique nouvelle que ressortit un des deux projets phares des années 1930, l’équipement du plateau de Beauregard par un téléphérique : Applevage allait alors de nouveau marquer La Clusaz de son sceau…
Le magazine “Le Ski”, LA référence de la planète du ski français depuis les années 1930, ne s’y trompa pas en consacrant à La Clusaz son numéro 136 en novembre 1955.
La photo à la une est antérieure à 1953 puisque le téléski de La Ruade n’est pas encore là, elle est centrée sur la tour garnie de bois abritant le départ du téléski du Crêt du Merle, une construction devenue iconique depuis 1946 :
L’article contient un délicieux florilège de photos d’époque :
Ce numéro nous livre même le premier “vrai” plan des pistes de la station (à comparer avec la vue retouchée à coup de pointillés et autres légendes montrée plus haut) sur lequel figure en bonne place, outre les cinq téléskis existants, le si prometteur téléphérique de Beauregard accompagné sur le plateau d’un téléski “fantôme” qui ne verrait le jour que fin 1956 (“L’Aiglon”) mais qui était déjà au prévisionnel dès l’origine.
“La Lanche”, “la Féria”, “les Corbassières” et “les Prises” allaient donner une tout autre dimension au domaine skiable sur un versant moins exposé où la neige tiendrait mieux qu’en face et chose encore rare pour l’époque mais qui deviendrait la règle, le chantier du téléphérique d’Applevage est même chroniqué à grand renfort de caractéristiques techniques, supposées impressionner le lectorat de spécialistes :
En bonus on y trouve une projection de la future extension du domaine basée sur une photo en noir et blanc des années 1940, grossièrement retouchée à la manière délicieusement kitsch des années 1950, et bien sûr la station ne manqua pas l’occasion d’annoncer dans ce même numéro l’arrivée de son équipement phare :
Fin 1955 l’hôtel “Le Paccaly” ouvrit, renforçant la capacité en lits au village :
Puis ce fut l’inauguration du nouveau téléphérique d’Applevage le 9 février 1956 : il était écrit qu’une nouvelle page de l’histoire de La Clusaz était en train de se tourner.
Le directeur de la SETLC Fernand Briffod prononça dans son discours d’inauguration ces quelques mots : “Mes chers amis, sans votre compréhension, il eût été impossible de mener à bien la construction de Beauregard, qui va donner un nouvel essor à la station” et le constructeur, Applevage, aurait eu bien tort de se priver d’une telle vitrine comme support publicitaire :
(inauguration du téléphérique en janvier 1956 et publicité Applevage la même année)
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Dès le lendemain, le Dauphiné Libéré en rajoutait : “Tout le pays se trouvait sur son 31 : Tante Olympe arborait la guipure des grandes occasions et le grand-père Camille avait lustré ses moustaches… La Clusaz, dont les ressources sont encore loin d’être épuisées, s’engage délibérément sur la voie qui fera d’elle l’une de nos grandes stations françaises”.
Tout était dit !
On comprend en un coup d’œil pourquoi l’installation eût immédiatement le succès attendu grâce à l’une des toutes premières photos, datant de sa mise en service, en 1956 :
Cette année-là, le dépliant arbore tous les codes graphiques de la seconde moitié des années cinquante :
Et dès la fin de l’année, le téléski de l’Aiglon vit le jour comme prévu sauf que ce ne fut pas la SETLC qui l’installa : il fut l’appareil fondateur d’une seconde société privée qui sous la houlette des frères Masson allait perdurer jusqu’à nos jours, la “Société du Téléski du plateau de Beauregard”, qui prospéra rapidement grâce au téléphérique.
Cet appareil fût le premier à La Clusaz à utiliser la technologie des pylônes tubulaires, qui s’imposerait par la suite, desservant un ski propre à la fois bien enneigé et favorablement exposé.
Il eût donc un succès instantané, qui ne se démentit plus depuis :
On aperçoit au second plan l’hôtel “du Téléphérique” encore inachevé, offrant une superbe terrasse panoramique avec vue sur le Mont-Blanc accessible en été/hiver aux piétons comme aux skieurs !
Toujours en 1956, commença la construction du restaurant du “Relais de l’Aiguille” par un certain Jacques Rachel, un entrepreneur originaire de Veyrier-Du-Lac par ailleurs résistant durant la seconde guerre mondiale et déjà bien implanté dans la station, ayant entre autre créé le garage du Rocher.
L’hôtel “Cytheria” ouvrit en 1957 ainsi donc que ce “Relais de l’Aiguille”, rapidement terminé et comprenant à l’époque outre le restaurant de charmants petits mazots servant de chambre d’hôtel :
Idéalement situé sur le Crêt du Loup alors au point culminant du domaine et offrant un panorama à couper le souffle, il fut d’autant plus adopté par les skieurs que la SETLC installa à proximité de ce belvédère concurrençant férocement celui de Beauregard le mythique téléski de l’Aiguille, cinquième et ultime maillon de sa chaîne de téléskis qui depuis le village mènerait désormais à la prestigieuse côte 2300 :
Son altitude lui assura un enneigement sans faille et la popularité qui va avec puisqu’il pouvait théoriquement tourner de novembre à mai… sauf qu’il était inaccessible dès que le plateau du Merle manquait de neige et qu’il fallait y monter à pieds skis sur l’épaule !
L’affiche de Serrailler de 1958 :
En 1959 les hôtels “L’Etale” et “Floralp” ouvrirent puis ce fut au tour de la “Société du Téléski du Champ Bleu”, troisième société privée à voir le jour, d’installer le petit téléski éponyme à destination des débutants en contrebas de la route de col, en parallèle au téléski “Ecole” de la SETLC : ainsi se clôtura la décennie 1950, celle qui propulsa La Clusaz dans la cour des grandes !
Photo des téléskis Ecole et Champ Bleu en février 1960 :
Une année durant laquelle serait fondée par le puissant Jacques Rachel une quatrième société privée aux moyens autrement plus conséquents, la “Société du Télébenne de la Combe des Juments”, dans le but d’installer un téléporté au départ de La Praise, au pied de la Combe des Juments et au bord de la route du col, en direction du sommet du Crêt du Loup : on peut dire que dès le début de cette nouvelle décade, la couleur était annoncée !
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C’était un appareil prototypique qui, avec celui des Bossons la même année, fut le tout premier télésiège biplace de Poma inaugurant par là une série mythique !
Le coup de génie du visionnaire Rachel dans ce choix permettrait de pallier le manque de neige et de rendre accessible son restaurant tant aux piétons qu’aux skieurs venus chercher la neige et le soleil de l’Aiguille, le tout pour un coût moins prohibitif que celui d’un téléphérique ou d’une télécabine et avec un débit relativement meilleur :
Dès lors le restaurant du sommet du Crêt du Loup et sa terrasse panoramique devinrent un rendez-vous incontournable des skieurs de la région et des élégantes voulant bronzer :
1960 serait aussi marquée par un évènement de tout autre nature, la victoire d’un skieur cluse, un certain Guy Périllat qui dès lors assurerait à sa station et pour longtemps une renommée internationale !
C’est à cheval et en costume de ville qu’il fit tout sourire son entrée dans son village après sa victoire à Squaw Valley :
La brochure de 1960 :
Notez que ce nouveau plan des pistes mentionne par avance le projet de téléphérique à l’Etale, dûment annoncé dans le texte !
Cette année-là ouvrirent aussi l’hôtel des “Confins” et, dans l’optique de l’arrivée prochaine d’un nouveau téléphérique à l’Etale, l’hôtel “U’Fredy”, tandis que l’auberge de jeunesse déménageait au Danay au pied de la Ruade.
En 1961 la “Société des Téléskis des Joux”, cinquième petite société privée, profita à son tour tant de l’accès donné par le téléphérique de Beauregard à son champ de neige bien orienté en impulsant la création du téléski des Joux sur les pentes de l’Etale, dont la fréquentation allait être dopée par l’arrivée prochaine et annoncée du téléphérique éponyme.
Le “Télé Soleil” originel fut démonté après 10 ans de carrière pour des raisons d’utilité publique face à la poursuite de la construction de la route vers les Riondes, sans doute racheté par la SETLC puis remonté sur l’Aiguille sous le nom de téléski des Cloches.
Une sixième petite société privée se créa, la “Société du Téléski du Lac des Confins”, qui fit installer par Montaz-Mautino un téléski très raide sur l’envers du lac :
Deux hôtels vinrent enrichir la station en lits : “La Montagne” et “La Candia”.
Toujours en 1961 et dans le but d’enfin aménager la combe de Balme, l’autre grand projet des années 1930 déjà remonté sans succès en 1942 et 1951, fut créée la “Société de la Haute Vallée des Confins” dite SHVC et septième société d’exploitation du domaine !
La SETLC, l’exploitant privé historique et le plus gros de tous, se devait de réagir face à cette concurrence l’attaquant sur tous les fronts à la fois : afin de profiter au mieux de l’engouement suscité par le sommet du secteur de l’Aiguille enneigé et accessible par le télésiège de son concurrent, il mit en 1961 en chantier le petit téléski des Cloches, peut-être comme dit plus haut issu du premier Télé Soleil débrayable racheté à son propriétaire…
Mais surtout il démarra celui de son second téléphérique sur le secteur de l’Etale, où Applevage réédita l’exploit de Beauregard :
Sa carrière démarra mal puisque le 18 mars 1962, il fût victime d’un accident qui aurait pu être tragique s’il n’y avait eu une importante couche de neige : la benne montante se détacha et s’écrasa au sol mais par miracle il n’y eût aucun mort car elle le fit dans l’endroit où il y avait le moins de danger, et fort heureusement, car la SETLC n’y aurait sans doute pas survécu !
Toujours est-il qu’il serait une des dernières réalisations en nom propre de son constructeur Applevage, dont la négligence fut prouvée et qui fut absorbé dès 1963 par une autre société…
L’appareil ne connut qu’un succès limité à la clientèle confirmée, car contrairement à l’Aiguille ou Beauregard elle ne s’élargit jamais du fait qu’il était difficilement accessible, sans grand intérêt pour les piétons, hors de portée des skieurs moyens, n’offrait à son sommet ni ski indépendant ni restaurant et que pour le rejoindre à ski il fallait franchir la route déjà relativement fréquentée donc déneigée du col de la Croix-Fry…
Après cet évènement tragique, l’année 1962 marquerait toutefois heureusement de son sceau La Clusaz par son dynamisme en termes de nouveautés sur le domaine skiable : la jeune “Société du Téléski du plateau de Beauregard” installa en haut du téléphérique emblématique un petit téléski à destination des débutants, le “Névé”.
Arriva de nouveau aux Riffroids, au-dessus de la nouvelle route en lieu et place du “Télé Soleil”, un petit téléski démontable pour débutants nommé “Etoile des Neiges” :
Son nom n’était en fait que la déclinaison “d’Etoile du Soleil” devenu “Télé-Soleil”, un nom qu’il ne put reprendre puisqu’il avait été donné au téléski installé près de l’école.
Un autre téléski allait enfin permettre un accès au versant de l’Aiguille sur un versant favorablement exposé au départ du hameau du Bossonnet, au cœur du village d’En-Haut alors en pleine mutation et c’était le téléski dit “du Bossonnet” exploité par la société éponyme, huitième exploitant privé à se partager La Clusaz, constituant une véritable porte d’entrée sur le domaine skiable :
Beaucoup plus performant, il court-circuita dès lors la chaîne formée par les téléskis de l’Ecole et de la Ruade, dont la saturation s’atténua quelque peu pour le plus grand bonheur des usagers !
Tandis que l’hôtel “Beaulieu” ouvrit ses portes sur les hauteurs du village en plein adret, la SHVC passa à l’action en mettant en œuvre dans les combes de Balme et de Torchère le plus gros projet alors jamais réalisé sur La Clusaz, sur cette zone très prisée des randonneurs depuis les années 1930 qui fut l’objet de trois projets d’équipement avortés en 1939, 1942 et 1951.
Il s’agit d’installer là encore un téléporté pour pouvoir skier par manque de neige, non pas un téléphérique ou un lent télésiège mais une télécabine, un type d’appareil alors déjà éminemment prestigieux.
Fournie par le constructeur française SAMVA sous licence du suisse Müller, cette télécabine biplace fut hélas d’emblée sous-dimensionnée pour des raisons de budget par rapport au potentiel phénoménal de la zone, ce qui ne serait pas sans conséquence pour l’avenir du secteur…
Elle donnerait bientôt accès aux nouveaux téléskis de “La Bergerie” et de “La Torchère”.
La “Société des Téléskis du Lac” fit installer par Poma le téléski “des Confins” à l’adret, près de l’hôtel et destiné aux débutants :
On peut dire que Montaz-Mautino fit des affaires à La Clusaz en 1962, avec pas moins de six appareils installés !
Les choses allaient très vite et n’étaient pas faciles à suivre, les brochures étant souvent imprimées plusieurs mois à l’avance il était facile de faire des erreurs, preuve éclatante s’il en est, le double plan suivant pourtant daté de la même époque est proprement déconcertant puisque le “Télé-Soleil” est donné comme étant près de l’école sur celui du haut, mais encore aux Riffroids sur celui d’en bas :
Ce plan indique encore la présence du tremplin de saut de 1931, vers le Nant.
Les trois installations de Balme ouvrirent enfin en janvier 1963, le temps que l’épaisseur et la stabilité du manteau neigeux soient suffisamment importantes, mais seule la télécabine eût l’honneur des objectifs :
Malgré un accès complexe en voiture ou en navette du fait de son isolement du reste du domaine, la saison sur ce nouveau secteur ne s’achèverait que le 13 juin !
Dans un second temps devait se faire le second tronçon de la télécabine de Balme vers le col de Balmaz à 2400 mètres d’altitude, une extension prématurément mentionnée par le plan des pistes 1963/64, témoin de l’expansion sans précédent du domaine skiable de La Clusaz après cette année hors normes :
Vous aurez noté dans cette version la présence d’un mystérieux téléski au Fernuy qui est sans doute une erreur, du “Télé-Soleil” près de l’école Notre-Dame, du téléski des Cloches à l’Aiguille et du petit téléski “Etoile des Neiges” aux Riffroids… mais aussi l’absence du téléski “du Névé” !
La station se développa dès lors très rapidement par la construction de chalets individuels encore en dur qui mitèrent le paysage, mais aussi par de l’habitat collectif notamment dans les secteurs du village d’en haut et des Riffroids, qui poursuivirent un développement resté jusque-là timide :
Un neuvième “micro exploitant” installa au bord du village le petit téléski des Clus, assez excentré et raide pour la clientèle qu’il visait.
Dans la série des erreurs on aura noté que la brochure n’indique que “quelques prix” omettant, outre les tarifs du téléski des Confins, de mentionner les téléskis des Clus et du Névé…
On remarque également l’arrivée des coupons unitaires permettant de skier chez chaque exploitant alors qu’auparavant il fallait avoir les coupons de chacune des compagnies…
Mais l’hiver 1963/64, sans neige, calma vite les ardeurs à investir des exploitants si bien que rien ne se passa en 1964 : si les petites sociétés n’exploitant qu’un voire quelques téléskis s’en sortirent à peu près, ce ne fut pas le cas de la SHVC dès lors en difficultés financières du fait d’investissement sans doute inconsidérés puisque faits en bloc…
A la Praise, les hôtels “Borderan” et “Gotty” virent le jour, aidés par l’attractivité induite par le télésiège tout proche qui permit un semblant de ski sur les pâturages de l’Aiguille.
En 1965 la “Société du Téléski du Laquais”, dixième exploitant privé à exploiter à sa marge le domaine skiable, monta son téléski éponyme, un Montaz-Mautino T50 tandis que le téléski “Etoile des Neiges” dut être démonté des Riffroids pour cause d’urbanisation galopante : il fut réimplanté sur le plateau de Beauregard en conservant son nom, et exploité par la “Société des Téléskis de Beauregard” qui selon toute vraisemblance le transforma en débrayable…
Beauregard étant le seul accès ski au pied vers ce secteur de l’Etale alors en plein développement, il fallut bien reconnaître que dix ans à peine après son installation son téléphérique était déjà obsolète…
Profitant de la présence toute proche du télésiège de la Combe des Juments dont le succès ne se démentait pas, les lignes audacieuses et aussitôt décriées de l’ensemble immobilier “Aravis 1500” comprenant une résidence et un hôtel vinrent rompre avec une architecture alors encore dans l’imitation de ce qui se faisait traditionnellement dans la station :
Ce fut-là la première tentative de greffe d’un quartier typique des stations dites “intégrées” au sein d’une station dite “village” mais dans le même genre et au même moment, les hôtels “Bellachat” et “La Torchère” inaugurèrent eux aussi une nouvelle urbanisation à l’entrée des Confins, vue comme l’ébauche du projet “Super La Clusaz” des années 1930 suite à l’équipement du secteur pour le ski alpin :
Plus classique fut l’hôtel “De Savoie”, inauguré au cœur du village dont il devait respecter l’architecture.
Pendant ce temps-là, la “Société du Téléski des Joux” devint “Société des Téléskis des Joux” grâce à l’avènement du téléski “Baby Joux” :
Toujours en 1965 et en parallèle, la “Société du Téléski du Bossonnet” devint “Société des Téléskis du Bossonnet” suite à l’arrivée du nouveau venu, “Baby Bossonnet” signé encore une fois Montaz-Mautino !
Le constructeur isérois n’en resta pas là puisqu’il installa en 1966 au village le téléski des Riffroids, exploité par la famille Collomb-Gros au travers de la “Société du Téléski des Riffroids”, onzième et dernière société privée : partant du front de neige principal et situé à l’ombre de Beauregard le long du ruisseau de la Patton, garantie d’un meilleur enneigement, il était le digne héritier des “Télé Soleil” successifs et de “L’Etoile des Neiges” trop tôt disparu du quartier :
Toujours en 1966, après le téléski des Cloches vraisemblablement démonté cette année-là, la SETLC renforça son offre de ski débutant sur une zone abritée de l’aléa neige et accessible en installant en parallèle de son vieillissant téléski du Crêt du Loup le moderne téléski du Louveteau.
Elle prit possession de la “Société d’Equipement de la Haute Vallée des Confins”, qui ne survécut pas à ses investissements conséquents et au manque de neige de l’hiver 1963/64, et intégra les appareils de la Combe de Balme en ajoutant même à son pied le grand téléski du Lac des Confins, racheté à la société qui l’exploitait pour y attirer une clientèle débutante : il fut réinstallé tel quel sous le nom de téléski “de l’Etrivaz”.
Pour la SETLC le secteur de Balme ainsi renforcé sur le bas constitua, malgré son sous-équipement déjà notoire, une prise de choix face à ses concurrents notamment la “Société du Télébenne des Juments”.
Dès lors, l’équipement étant devenu conséquent tous exploitants confondus, la station entra dans la cour des grandes en renforçant son positionnement à l’international, largement aidée en cela par la notoriété grandissante de son champion Guy Périllat comme en témoigne la brochure 1967/68 éditée par le syndicat d’initiative :
Soixante ans après les premiers déferlements de skieurs sur son col, La Clusaz est alors au sommet de sa gloire mais, avec dix petits exploitants de remontées mécaniques restant sur la commune suite à l’absorption de la SEHVC, les hôteliers se devaient de proposer des facilités à leurs clients en peu perdus dans cette offre foisonnante et désorganisée.
Ainsi naquirent les “forfaits skieurs” tout compris :
Pas moins de trois nouveaux hôtels ouvrirent en 1967 : “Carlina”, “Les Clarines” et “Le Viking”, sans oublier aux Tollets le home d’enfants “Le Petit Prince” !
Il fallut aussi que le syndicat d’initiative regroupe les tarifs des dix opérateurs en un même document :
On notera l’oubli dans cette liste du téléski de L’Etrivaz, pourtant déjà fonctionnel… alors même qu’elle indique que la “Société du Téléski du Lac” n’exploite plus qu’un appareil !
Chacun sur leur page de cette brochure 1967/68, les petits exploitants qui en avaient les moyens ou l’envie publièrent de petits encarts publicitaire, ici tous regroupés :
Il faut dire que la concurrence entre eux était rude : accès facile mais aléa neige à gérer pour le Bossonnet, les Clus, le Champ Bleu ou les Riffroids, et malgré un bon enneigement un accès difficile du fait de la saturation du téléphérique pour les Joux, le Laquais ou les téléskis de Beauregard !
Ajoutons à cela un nouveau téléski d’altitude à mettre à l’actif de la “Société du Télébenne des Juments” qui ne perdit pas pour autant de vue ses intérêts, le “Jument 2000”, permettant enfin à la société de Jacques Rachel de tirer elle-même les bénéfices des skieurs se réfugiant sur l’Aiguille lorsque la neige venait à manquer !
Face à eux la grosse SETLC étalait certes en double page sa suprématie mais aussi sa “proximité” avec les incontournables sociétés du Bossonnet et des Juments qui, de par le positionnement de leurs appareils parfaitement complémentaires, permettaient un accès plus aisé à ses installations de l’Aiguille :
A noter que la SETLC exploitait déjà à l’époque le restaurant de la Bergerie !
Le plan 1967/68, faisant tant l’impasse sur le téléski de l’Etrivaz ouvert l’hiver précédent que sur le nom exact du nouveau téléski “5 bis” sur l’Aiguille, nous montre dans leur ensemble toutes ces nouveautés :
Le téléski du Soleil en a définitivement disparu, ainsi que celui des Cloches…
Cette grande station qu’était devenue La Clusaz allait aussi attirer l’attention de grands promoteurs comme le sulfureux Pierre Schnebelen, créateur via sa société SEFCO et à la même époque des quartiers de la Daille (à Val d’Isère), de ceux du Val Claret et du Lavachet (à Tignes) qui firent tous polémique.
La commune lui céda les terrains de la Perrière et d’autres à l’entrée des Confins en échange de la construction de la piscine municipale :
Cette piscine, très étonnante de par son architecture avant-gardiste et “unique en Europe”, allait faire un véritable carton été comme hiver au point de devenir la nouvelle vitrine de la station :
La Clusaz passait dans l’ère contemporaine et, là encore, ça ne se ferait pas sans douleur…
Les victoires de son champion Guy Périllat s’étant enchainées en 1962 à Chamonix puis surtout à Portillo en 1966 la notoriété de La Clusaz, qui ne pouvait rêver de meilleur ambassadeur, fut nettement renforcée.
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En 1967, tous ses massifs équipés, le village s’était doté d’une solide infrastructure hôtelière comme le dernier né “les Clarines”, s’inscrivant dans la lignée architecturale de ses voisins “Torchère”, “Confins” et “Bellachat” :
Dès lors la croissance de ce quartier fut stoppée car non seulement le domaine skiable ne se développa pas comme prévu aux alentours mais surtout les cluses ne voulurent pas d’un second quartier de la piscine vécu comme un traumatisme, car il faut dire qu’autour de cet équipement hors normes les résidences secondaires poussèrent comme des champignons, assurant certes une rentrée de taxes pour la commune indépendante de l’activité commerciale mais modifiant aussi peut être trop rapidement le paysage donc l’identité même de la station qui à sa structure historique de village voulut greffer des quartiers à haute densité d’habitat et voués au tourisme de masse à la croissance trop rapide…
Avec à la clé de cette affluence inédite du bruit, de la pollution, bref, les maux de ce qui était désormais devenu une petite ville avec aussi tous les défauts des stations de sa génération : une altitude faible avec pour conséquence un enneigement pas toujours d’une grande qualité, et surtout un domaine exploité par une dizaine de sociétés qui certes permit depuis les années 1950 de développer la station avec célérité mais avec pour revers l’absence de vision globale et l’impossibilité d’investir en cohérence, sur fond de domaine skiable particulièrement morcelé devenu handicapant face à la féroce concurrence de ceux des vraies stations intégrées pensées d’un bloc.
Après son espace aquatique panoramique hors du commun, La Clusaz poursuivit la diversification de son produit par la démocratisation du ski de printemps, devenu plus accessible suite aux progrès considérables du matériel :
Attestée dès la fin des années 1930 avec l’ouverture de l’Igloo dans les sous-sols de l’hôtel Beauregard puis dans les années 1940 et 1950, la vie nocturne dans le village qui se jouait alors dans des “cabarets” ou “dancings” encore tous situés dans les hôtels prit de l’importance à l’heure de l’explosion de la musique pop et s’affichait en dichromie rouge/noir :
Ce fut à cette époque que l’esprit nocturne de La Clusaz, une partie intégrante de son identité, atteignit son apogée !
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La Clusaz de 1967 c’était encore le home d’enfants qui venait tout juste d’ouvrir aux Tollets, contrastant furieusement avec les ballades en chenillettes sur le plateau de Beauregard au titre d’une de ces innovations destinées à repositionner la station :
L’année 1968 démarrait, avec en février un évènement de taille, le passage de la flamme olympique des jeux de Grenoble qui allaient commencer :
La station allait “essayer” d’organiser des voyages vers les sites olympiques…peut-être cluses et hivernants assistèrent-ils ainsi à Chamrousse à la descente qui consacrerait une dernière fois Guy Périllat ?
Le champion ne décrocha rien de moins que la médaille d’argent, remettant sous les projecteurs sa station natale.
C’est tout auréolé de sa légende qu’il mit un terme à sa carrière en 1969 mais, pour encore des années, l’image de la station resterait indissociable de la sienne :
En 1970, après une saison qui connut un enneigement record, la SETLC dut songer à la modernisation des premières installations devenues totalement obsolète face à celles des nouvelles stations.
Les premiers à être reconstruits furent les téléskis de La Ruade et du Crêt du Merle, remplacés pour des raisons financières et dans l’urgence par des appareils du même type fournis par Poma partant désormais l’un près de l’autre au niveau de l’ancien départ du premier téléski de la Ruade :
Ils entrainèrent la démolition de l’auberge de jeunesse qui se trouvait sur leur piste d’accès.
Le débit passa pour chaque appareil d’environ 400/500 personnes par heure à 900, ce qui n’allait pas changer grand-chose à leur saturation, leur fonctionnement restant tributaire des déficiences d’enneigement sur le bas : on peut dès lors s’interroger sur cette reconstruction, qui trouve en fait sa raison dans la perspective de la SETLC de doubler rapidement le téléski du Merle par un téléporté débrayable à haut débit servant d’ascenseur principal, le téléski ne servant qu’en renfort si l’enneigement et la fréquentation le permettaient.
L’année 1970 vit aussi l’ouverture de la pension de famille “Les Buissons”, du caravaneige au Fernuy, de la nouvelle auberge de jeunesse de l’Etale et de l’hôtel “Panorama” :
Mais l’hôtel du “Crêt du Loup” fut vendu à la ville de Puteaux alors que l’historique hôtel “du Lion d’Or” fut découpé en appartements : l’âge d’or de l’hôtellerie propre aux stations anciennes était désormais révolu, la résidence secondaire qui ces dernières années avait explosé s’imposa dès lors en nouveau modèle de développement, comme dans les stations plus modernes, tandis que l’altiport de La Clusaz espéré comme une nouvelle source de clientèle voyait le jour à l’Etale…
La SETLC reconstruisit en 1971 le téléski du Crêt du Loup sous la forme de deux téléskis parallèles indépendants, une opération plus intelligente en ce sens qu’elle permit de tripler le débit sur une zone d’altitude plus souvent skiable…
En ce temps-là les magasins de sport achetaient majoritairement leurs fournitures via la “coopérative d’achats d’articles de plein air et de sport” (COOPAS), une société qui en collaboration avec les acteurs locaux proposait des catalogues personnalisés à chaque station :
Celui de l’hiver 1971/72 est l’occasion de faire un point mode dans le village de La Clusaz et ses abords et il nous en met plein les yeux entre les pin-ups, les motifs psychédéliques et les intérieurs en marron et orange…sans compter les installations de l’époque !
On commence ce tour d’horizon au Crêt du Loup, où on aperçoit le télésiège des Juments lui aussi habillé d’orange :
Avant de redescendre devant le chalet du “syndicat d’initiative”, accolé à ce qui était alors le fond de l’église :
Un détour par le village d’en-haut, chez Guy Périllat, s’impose :
Avant de monter poser plus sobrement au bord de la piscine :
On remonte ensuite à l’hôtel Beauregard le temps de quelques photos dans les salons et au cabaret “l’Igloo” (au centre) en version 70’s mais qui fait les nuits cluses depuis 1938 :
On poursuit vers le quartier moderne des Confins où une halte à l’hôtel “La Torchère” est la bienvenue :
Pendant ce temps-là, on aura laissé les enfants s’amuser avec la luge au Champ Giguet, juste sous le téléski “Ecole” :
Le livret 1971/72, lui aussi plus coloré et attractif que jamais auparavant du fait de l’emploi plus large de la polychromie, parut également à l’automne 1971.
Il annonça, outre la piscine devenue partie prenante de la communication, un service de liaison avec Genève amélioré :
Le sommaire était alléchant :
Au programme, de nouvelles sensations fortes :
Les magasins de sport et les marques d’équipement s’affrontaient à coup de publicités colorées très 70’s :
L’immobilier se portait très bien, entre les promoteurs locaux et Schnebelen, dont la célèbre “SEFCO” réalisa sa neuvième résidence sur La Perrière :
Les hôtels n’allaient pas mal eux non plus, il y en a même un qui se trouvait désormais au sommet d’un télésiège inconnu :
Le bas du quartier de la Perrière à l’époque :
Le sens du mot “cabaret” ayant changé au début des années 1970 et celui de “dancing” ayant vieilli, pour faire plus moderne ceux de la station devinrent d’abord “night-club” vite abrégé en “club”, “discothèque” lui aussi abrégé en “disco”, et commencèrent à sortir du cadre guindé des hôtels pour désormais occuper leurs propres locaux :
Il y avait même un bowling !
Avec tout ça, il fallait trouver le temps pour une coupe de cheveux :
Vous l’avez compris, l’après-ski et le hors-ski déjà existants depuis les débuts de la station prirent au cours de ces années une importance jamais atteinte, participant ainsi largement à la nouvelle image mais ce livret c’est aussi, encore et toujours, le domaine skiable avec pour commencer les tarifs et une publicité cette fois pour la “Société du Télésiège des Juments” :
Le tout nouveau plan des remontées mécaniques fit enfin mention des pistes, aidé en cela par l’impression en polychromie permettant d’en rendre la couleur :
On aura noté que tracés et couleurs ont beaucoup évolué, que le seul téléski restant aux Confins et le secteur de Balme demeuraient isolés du reste du domaine, que la liste des installations ne faisait plus mention des différents exploitants et qu’un nouveau télésiège avait bel et bien fait son apparition au village !
Car en 1971, la SETLC remplaça le téléski Ecole après 17 années de service par un appareil dont la vocation de liaison prendrait le pas sur celle de l’apprentissage du ski au village, désormais dévolu à son nouveau téléski “du Nant”, fourni cette fois par Montaz-Mautino.
Pour cela l’appareil devait partir de plus bas, au niveau du front de neige, et arriver suffisamment haut pour que les skieurs puissent rejoindre par gravité les nouveaux téléskis de La Ruade et du Crêt du Merle tout en s’affranchissant de la contrainte des deux routes du Gotty et du col des Aravis à traverser.
Vu la faible distance, la SETLC choisit un appareil téléporté dont la ligne était celle d’un télésiège biplace analogue à celui des Juments, sur lequel il fut d’abord décidé d’installer des véhicules où on prenait place debout pour en faire une télébenne, engin alors en désuétude mais très adapté à ce petit trajet.
Toutefois, au dernier moment, ce furent des sièges monoplaces qu’on installa alors même que des problèmes de débit se posèrent immédiatement devant le succès de cette nouvelle liaison.
Tant et si bien qu’on remplaça très vite un siège sur trois par un biplace, rendant l’appareil si marquant qu’il fut beaucoup photographié, jugez plutôt :
Ce fut-là source d’une certaine désorganisation à l’embarquement alors même qu’à peine mis en service, cet étrange télésiège constituant l’unique liaison ski aux pieds entre l’est et l’ouest du domaine, fut saturé :
La couverture de la brochure 1972, imprimée complètement en polychromie et abandonnant le petit format des livrets, montre ce changement de visage du domaine skiable au village avec le télésiège de la Patinoire s’inscrivant à la perfection dans la trace de son prédécesseur le second téléski “Ecole” dont subsiste le chalet de commande, menant enfin par gravité aux téléskis du Merle et de la Ruade et desservant une piste franchissant les deux routes :
On trouve dans cette brochure un plan des logements au village sans doute antérieur, mentionnant bien à sa place une “télébenne accès Ruade” avec le logo d’une télébenne en légende, trace du probable projet antérieur :
Il est permis de penser qu’on chercha par ce choix d’appareil à créer une liaison empruntable dans les deux sens par les piétons, en relation avec l’urbanisation galopante du quartier des Tollets…
Le téléski “des Confins” maintenant isolé et devenu téléski “du Lac”, est désormais considéré comme faisant partie du secteur de Balme, signant à moyen terme l’arrêt de mort du ski alpin aux Confins :
On constate que le port du casque au ski était déjà pratiqué !
En 1972, un nouveau magazine dédié au ski prit le relai du célèbre titre “Le Ski” dans une formule assez similaire à celle qui faisait le succès de ce dernier depuis les années 1930, et il consacra un article à la combe de la Torchère.
L’auteur y décrit le secteur de Balme comme isolé et excentré du reste du domaine auquel il est relié par un service de navette, considérant que “cette situation excentrée est (…) plus un avantage qu’un inconvénient” et ajoute plus loin que “la piste est desservie par la télécabine de Balme au charme un peu suranné“.
On trouve dans cet article, outre une description précise des itinéraires, de superbes photos d’époque de la combe :
L’article mentionne certaines années la possibilité de skier jusqu’en juin, et montre même l’ancien téléski de la Torchère dont n’a jamais existé aucune carte postale :
Il est permis de penser que cet article prônant un ski à l’ancienne et sauvage, en opposition avec le ski “usine” des autres stations voire celui des autres secteurs, eût un certain impact médiatique engendrant un regain de fréquentation dans ce coin alors perdu.
Dès 1961 le maire d’alors, le charismatique alpiniste Yves Pollet-Villard, n’avait eu de cesse de dénoncer le morcellement de l’exploitation du domaine et l’absence d’implication de la commune dans sa gestion, une situation datant de l’accident de 1945 mais qui du fait d’une bonne entente avec les directeurs des différentes sociétés n’évolua à la marge qu’avec la mise en place des coupons communs à toutes.
Mais quand Jean Ferrero succéda au non moins charismatique Fernand Briffod (qui fût à l’origine du téléphérique de Beauregard) récemment décédé à la tête de la SETLC pour s’en prendre lui aussi au morcellement du domaine skiable et de son exploitation, c’était pour des raisons bien différentes car lui avait plus en tête une absorption des sociétés par la SETLC qui le suivirent en 1973 dans le “groupement des remontées mécaniques” : un statut de groupement d’intérêt économique qui permit enfin l’institution d’un forfait commun à l’ensemble des appareils, en plus des coupons ou des forfaits partiellement valables existant jusqu’alors !
Si ceci allait dans le bon sens du point de vue de la clientèle, le maire y vit légitimement la tentative de la SETLC de mettre la main sur le domaine skiable : dès lors ses relations avec Ferrero devinrent orageuse et la commune freina des projets de la SETLC pas toujours bien ficelés, à l’image de ses derniers investissements en date qui de par leur technologie digne des années 1950 et leurs débits obsolètes renforcèrent plus qu’ils ne corrigèrent l’image vieillotte désormais renvoyée par le domaine skiable de La Clusaz…
Car en 1973, quelques années seulement après avoir atteint l’apogée de sa popularité et comme ceux des autres stations de sa génération, ce dernier commençait très sérieusement à pâtir d’un déficit d’image face à ses concurrentes savoyardes du fait de ses vieux tire-fesses, de ses nombreuses routes à traverser et de ses téléportés d’un autre âge au débit minable alors que le nombre de lits explosait :
La nuit marquait le pas avec plus que cinq lieux mentionnés au lieu de huit, mais il y eût tout de même l’ouverture d’une nouvelle “boite” aux Confins :
C’est qu’il fallait les occuper, ceux qui ne skiaient pas, car il faut dire que la station se développait depuis quelques années au rythme de 90 nouveaux logements par an et que les vacanciers jetaient parfois l’éponge face aux queues aux remontées mécaniques devenues dès lors phénoménales…
Une population avide de biens de consommation, se jetant sur des vêtements ou des accessoires à la pointe de la mode :
Car du côté du domaine skiable, la seule nouveauté fut la naissance du regroupement économique et dès lors, plus aucune mention de différents exploitants :
Comme précédemment les appareils sont classés par massifs et non par société, et notez au passage la phrase “des pistes de liaison relient tous ces massifs entre eux” qui est on ne peut plus mensongère !
Car rallier le village depuis l’Etale relevait du parcours du combattant avec 5 routes à franchir alors même que le déchaussement était compliqué, et rallier le Crêt du Loup depuis l’Etale obligeait à monter un raidillon menant sur la route du col des Aravis où il fallait déchausser puis prendre les escaliers menant au télésiège des Juments :
Poursuivre vers Balme se faisait ensuite à la sauvage dans la dangereuse combe de Fernuy après avoir attendu des lustres au téléski de l’Aiguille, le retour s’effectuant en ramant sur la “piste” du Var, à moins qu’après les cinq routes à franchir on ait préféré passer par le village pour ensuite faire la queue au télésiège de la Patinoire puis aux téléskis du Merle, du Loup et de l’Aiguille !
Le périple prenait souvent toute la journée…pour vous convaincre de l’état de la situation, il suffit d’une photo du Champ Giguet à l’époque :
Avec le vieux téléphérique, le téléski et le télésiège à une place, elle aurait pu être prise à la fin des années 1940 si les tenues et les immeubles contemporains n’étaient pas là pour nous rappeler que nous étions en 1973 !
Il fallut dès lors se rendre à l’évidence : aspirée dans la fièvre immobilière, la station avait grossi plus vite que les installations de son domaine skiable et les sommes à investir pour pallier tous ces problèmes étaient absolument considérables tant la tâche était ardue du fait de son éclatement.
Mais il fallut bien commencer quelque part : c’est dans ce contexte que naquit le téléski du “Grand Laquais”, marquant l’expansion de la “Société des Téléskis des Laquais” qui permit de remédier quelque peu à la saturation du secteur de l’Etale.
Devant l’urgence la commune consentit à permettre à la SETLC deux investissements sur le massif de l’Aiguille, où seuls les doubles téléskis du “Crêt du Loup” avaient des performances dignes de ce nom, en allant jusqu’à participer financièrement.
Tout d’abord le constructeur haut savoyard Montagner fut mandaté pour réaliser le nouveau téléski “de l’Aiguille”, un appareil performant remplaçant celui de 1957 et permettant une augmentation du débit de près de 40% : un gain bienvenu mais encore une fois insuffisant…
Mais surtout la SETLC put réaliser le téléporté dont elle rêvait depuis la fin des années 1960 pour relier le village au Crêt du Merle, un appareil qui étonna son temps par son modernisme et sa performance donc qui mérite qu’on en parle : la problématique était simple, il fallait un engin au débit important, rapide si possible et permettant dans les deux sens le transport tant des piétons que des skieurs en cas de manque de neige et pour permettre aux débutants de skier sur le plateau du Merle sur le nouveau téléski fixe “Baby-Loup” qui serait également installé par la SETLC dans la foulée.
Une télécabine fut d’abord envisagée, mais c’était là un appareil trop cher pour la SETLC…c’est alors que le constructeur isérois Poma lui proposa un arrangement original : il installerait pour son compte à La Clusaz un prototype destiné à devenir sa vitrine technologique en échange d’un prix réduit, car les études avaient déjà été menées et il n’était pas complètement certain que le prototype fonctionne.
Disposant au cas où du téléski “du Merle” en secours, la SETLC accepta le marché et signa pour un télésiège installé en parallèle du tire-fesse, à l’avant-garde car les sièges triplace venaient d’apparaître mais surtout car il était débrayable donc rapide !
Cette révolutionnaire “télécabine avec sièges” de grande capacité allait permettre un débit de 1500 p/h le tout sans déchausser et il serait possible d’y prendre place en piéton en mettant les skis à l’arrière du siège, offrant ainsi la possibilité de redescendre directement au village en cas de faible enneigement, un tunnel de franchissement de la route du col serait même créé pour l’occasion : l’engin serait doté d’un embarquement intermédiaire pour cueillir directement les skieurs venus du télésiège de la Patinoire qui ainsi éviteraient d’engorger le scabreux tunnel mais pour ce faire il faudrait laisser vide un siège sur trois…
Le télésiège débrayable du Crêt du Merle ouvrit pour le début de la saison 74/75 :
Son succès fut immédiat tant il stupéfia ses utilisateurs, alors habitués à des télésièges lents et débitant très peu : des opérateurs de domaines skiables affluèrent de toute la planète pour voir fonctionner cet hybride si réussi entre télécabine et télésiège, et on peut dire qu’à lui seul il relança le prestige de la station !
En parallèle la SETLC avait aussi apporté des modifications à la télécabine de Balme en l’automatisant partiellement, en faisant refaire les cabines et en en rajoutant quelques-unes. Ainsi l’engin rénové fut-il prêt pour décembre 1974 :
Bien évidemment, l’augmentation de débit engendrée ne pouvait suffire à satisfaire la demande, mais il ne fut guère possible de faire mieux puisque la société n’avait pas les moyens de changer l’illustre engin…
La fin de l’année 1974 correspondit aussi à l’ouverture d’une nouvelle discothèque dans les sous-sols de l’immeuble abritant autrefois l’hôtel “Le Lion d’Or” nommée “l’Ecluse”, un mot jouant tout autant sur le nom de la commune et de ses habitants que sur le fait que le torrent la traversait !
On remarque sur la photo de couverture de la brochure grand format de l’été 1975 des travaux pour un chemin forestier : sans doute a-t-elle été prise en 1974, datant vraisemblablement de la naissance de la liaison Crêt du Merle/Balme…
Cette année-là la SETLC voulut créer le second tronçon de la Balme mais la commune refusa au motif avéré que la télécabine n’avait pas un débit suffisant malgré les travaux de l’année précédente : elle refusa aussi son autre projet de mettre deux autres téléskis au Crêt du Loup, le jugeant suffisamment équipé.
La brochure été 1975 lança en dernière page la saison 1975/76 :
Sur le plateau de Beauregard, la “Société des Téléskis de Beauregard” ou “STB” fit rénover par le constructeur Montagner le téléski “du Névé”, nettement rallongé vers le bas avec réutilisation du matériel existant : la pente, particulièrement prononcée au départ, lui fit alors perdre sa vocation débutante initiale.
En 1976, seul le téléski fixe Schippers “U’Frédy” fut monté par la SETLC, tirant son nom de celui du lieu-dit lui-même ainsi nommé en raison des conditions climatiques très froides y régnant en début d’hiver !
C’est que les élections municipales approchaient, et le maire Yves Pollet-Villard fit alors campagne pour la “maîtrise communale du domaine skiable”, sur l’amer constat que la plupart des opérateurs privés autrefois dynamiques n’avaient pas tous accompagné l’augmentation de la clientèle par leurs investissements comme le firent les sociétés des Laquais ou de Beauregard : il fut réélu sur ce programme aux élections municipales de 1977 et monta aussitôt à Paris chercher Michel Ythier, car il se murmurait que la “Société du Télébenne de la Combe des Juments” dite aussi “STCJ” passerait bientôt sous maîtrise communale.
Et de fait, son PDG Jacques Rachel jugea une association avec la commune majoritaire au sein d’une société d’économie mixte acceptable : la commune prit donc le contrôle de la seconde société privée exploitant son domaine qui devint la “Société d’Economie Mixte du Télébenne de la Combe des Juments” ou “SEMTCJ”.
Elle lança dans une relative urgence la construction de deux télésièges biplaces commandés à la société Pomagalski, celle qui avait construit les trois autres télésièges de la station, “l’Etale” et “Côte 2000”.
Le premier permit d’offrir du ski propre sur le haut de l’Etale, desservant enfin le haut du secteur accessible par le téléphérique en cas de manque de neige sur les Joux donc permettant ainsi de renforcer l’offre de ski de printemps toujours mise en avant par la station. Le second permit dans la même optique d’exploiter le haut de la piste de la Combe des Juments et de récupérer les skieurs venus de la combe de Borderan quand le bas manquait de neige, mais aussi d’ouvrir l’accès à la combe de Fernuy en direction de la Balme :
On peut donc dire que la principale raison d’être du télésiège de “Côte 2000” à sa création fut la desserte du ski hors-piste, alors devenu aussi populaire que le ski de printemps !
En 1977 la STB fit également modifier par le constructeur Montagner le téléski de “l’Etoile des Neiges” par allongement vers le bas, sans toutefois que ce dernier ne perde sa vocation d’appareil d’apprentissage.
De son côté la SETLC fit modifier son téléphérique de Beauregard, alors complètement obsolète et dépassé puisqu’il n’avait fait l’objet d’aucune modernisation depuis 1955 :
Ces bennes habillées de plexiglas fumé et plus grosses contribuèrent à donner une image contemporaine à la station, mais le débit ne fut toutefois amélioré que de 50 personnes/heure…
Dans le contexte de tensions accrue entre les différentes sociétés, notamment la SEMTCJ et la SETLC, les désaccords concernant la répartition des bénéfices au sein du groupement des remontées mécaniques se devaient de trouver une solution…et ce fut le PDG de la SETLC Jean Ferrero qui rapporta des Dolomites l’idée du contrôle des forfaits par bornes d’accès informatisées, La Clusaz fut ainsi la première station française à s’en doter fin 1977 :
L’année 1977 fut aussi celle de la liaison entre le gros du domaine skiable et le massif de Balme via de grands chemins forestiers en pente douce, la “Motte” et le “Plan”, qui allaient sortir un peu le “massif oublié” de son sommeil relatif…
En 1978 la SEMTCJ modifia aussi son téléski phare “Jument 2000”, tandis que la “Société des Téléskis des Laquais” installa son troisième appareil cette fois destiné aux débutants et nommé “Baby Laquais”.
Le plan des pistes 1978/79 est basé sur un panorama de Pierre Novat, et qui fut le seul que La Clusaz lui commanda :
Ce plan est très intéressant en ce sens qu’il recèle des retouches assez grossières ajoutées au fur et à mesure depuis sa première édition de 1973 : la piste bleue le long du téléski du Névé, le télésiège de l’Etale en gras se terminant par de gros carrés, ou encore la trouée en blanc destinée à faire passer “la Motte” !
Depuis celui de 1972/73, ce plan montre également que la station a évolué en termes de pistes : l’historique “Noire” (de Beauregard) n’est plus seule, le “Vraille” est apparu à droite du téléski de Torchère sur le haut de Balme qui est encore dans sa configuration d’origine !
L’historique piste “les Prises” s’est déroutée vers les Joux pour mieux desservir l’Etale en devenant la “Verte”, l’itinéraire par les Prises restant officiel mais au titre de variante…
Huit ans après son ouverture l’altiport décline déjà (il n’est plus qu’en pointillés), tout comme le téléski des Confins qui apparaît encore au listing mais sans sa piste.
L’année 1979 renforça encore le rôle de la SEMTCJ qui sous l’impulsion de la commune avala la “Société du Téléski du Champ Bleu” et relégua la SETLC au second rang : ce fut l’année des records en termes d’investissement.
Comme le fit quatre ans auparavant la SETLC, la SEMTCJ passa un marché avec la société Poma pour un prototype très particulier, un double télésiège porté par des pylônes en “V” soutenant les deux lignes. Le plus court, “Mini-Loup”, était biplace fixe et permit à la SEMTCJ d’offrir à son tour du ski débutant sur le plateau du Merle, jusque-là chasse gardée de la SETLC. L’autre, “Crêt du Loup”, était comme le “Crêt du Merle” de la SETLC un appareil triplace débrayable reliant le plateau au sommet du Crêt du Loup en un temps record, concurrençant de plein fouet les téléskis de la SETLC :
Inutile de dire le mécontentement des actionnaires de la SETLC, qui virent son influence s’effondrer malgré l’autorisation enfin concédée de construire le nouveau télésiège du “Col de Balme” qui serait son dernier coup : ils formulèrent en justice deux recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la commune qui avait voulu récupérer dans son giron le télésiège débrayable du “Crêt du Merle” ainsi que le téléski de “l’Aiguille”, et parvinrent ainsi à bloquer l’opération malgré le jugement favorable à la commune rendu le 5 décembre 1979.
Le télésiège du “Col de Balme” justement était biplace, un choix s’expliquant tant par des raisons économiques que pratiques, la télécabine étant à saturation…fourni par l’autrichien Doppelmayr, une chose à l’époque exceptionnelle, il rehaussa le domaine skiable en lui conférant la majesté qui lui manquait encore :
Toutefois la pénibilité de son accès (la queue à la télécabine durait fréquemment plus de ¾ d’heure) et sa relative vulnérabilité au risque avalancheux ne lui permirent pas de donner son plein potentiel alors même qu’il permit la première extension du domaine depuis 1971…
La SETLC ne s’arrêta pas là puisqu’elle fit rénover son téléphérique de l’Etale dont les cabines furent changées et la mécanique revue :
Et profitant de la présence des entreprises sur le site, la SEMTCJ entama aussi la construction des massifs du futur nouveau télésiège “de la Combe des Juments”, son appareil emblématique qui fut achevé en 1980 alors qu’une nouvelle décennie s’ouvrait : comme avant lui “Crêt du Merle” et “Crêt du Loup”, le télésiège de la “Combe des Juments” devint débrayable.
Il fût monté comme les deux autres par la société Poma mais sur la base de matériel récupéré au Grand-Bornand et à St Jean d’Aulps (mécanique de gare et sièges) sur deux télésièges biplaces débrayables ce qui explique qu’il soit biplace, avec toutefois une ligne et des bâtiments neufs, la gare amont étant accolée à celle du télésiège du “Crêt du Loup” : dès lors ses performances devinrent suffisantes pour son rôle de liaison double-sens et tout public, une fonction qu’il n’assura que mieux !
C’est aussi en 1980 que la SEMTCJ mit la main sur les téléskis des Joux et du Champ Bleu, faisant ainsi disparaître deux exploitants indépendants : on comprend dans ces conditions que le conflit entre la commune et la SETLC se soit envenimé, avec la démission de son PDG Jean Ferrero du groupement des remontées mécaniques, le 30 juin 1980…
La commune fit d’ailleurs une offre de rachat des installations de la SETLC que celle-ci refusa, les deux parties n’arrivant pas à s’accorder sur le prix.
L’année 1981 vit la disparition tragique du maire Yves Pollet-Villard, poussé avec toute sa cordée dans une crevasse par une avalanche sur le versant italien du Mont-Blanc, ce fut donc seul que Michel Ythier poursuivit le projet déjà initié de construction d’une liaison téléportée entre le bas des Juments et les Joux.
L’appareil, franchissant d’une traite le val du Nom d’où son appellation de “Transval”, ouvrit en février 1982 :
Il s’agit d’un téléphérique monovoie comportant à l’époque le plus gros câble porteur de la planète sur lequel circulent deux cabines accolées, une solution mise en œuvre par Montaz-Mautino spécialement conçue par rapport aux contraintes des lieux qui fit en son temps la une du magazine spécialisé “Aménagement et Montagne” : il ouvrait une nouvelle voie d’accès vers l’Etale alors très enclavée, confirmant la suprématie de la SEMTCJ donc de la commune.
Le groupement des remontées mécaniques, satisfait de son contrôle d’accès informatisé aidant à la répartition des recettes, resigna avec Datatel pour le système Leski-Ages nouvelle génération :
Quand il fallut discuter de la mise en conformité du contrat SETLC/commune à propos des transports public d’intérêt locaux, la SETLC accepta de lâcher 80% de ses parts contre 28.8 millions de francs…c’est ainsi que fut signé le 02 mars 1983 l’acte de naissance d’une nouvelle société, la “Société d’Aménagement Touristique et d’Exploitation de La Clusaz” dite “SATELC” dont Michel Ythier prit la tête et qui regroupait 90% des remontées mécaniques.
Cette même année les investissements portèrent sur la piscine dont la clientèle s’essoufflait, un toboggan aquatique y fut adjoint :
Il relança immédiatement sa fréquentation car à l’époque ce genre d’équipement, qui débarquait à peine en France, était déjà très populaire : il ne désemplit jamais, attirant de nouveau une clientèle venue de loin comme le fit à ses débuts la piscine qui renoua avec la saturation passée…
A peine constituée, la SATELC sécurisa enfin l’exploitation du secteur de Balme avec un “Catex” permettant de déclencher les avalanches et un nouveau téléski “de la Torchère” : il fut encore livré par Montaz-Mautino sur un tracé moins exposé aux coulées qui détruisirent par deux fois son prédécesseur, pouvant mieux faire face aux fortes variations de hauteur de neige du fait qu’il était à enrouleurs.
Puis ayant fait constat de l’explosion du nombre de lits au village et de l’encombrement redevenu particulièrement problématique des appareils du Merle, elle entreprit de s’atteler à l’augmentation du flux vers l’Aiguille qui devait se faire sur la base d’un cahier des charges bien particulier : le plus de débit possible avec un encombrement le plus faible possible, eu égard au prix du terrain.
La SATELC retint l’offre du constructeur Poma qui une fois encore allait faire de La Clusaz son banc d’essai en échange de frais d’étude réduits, proposant encore une fois à la station un prototype destiné à remplacer le télésiège “de la Patinoire” devenu complètement inadapté, en l’occurrence une télécabine révolutionnaire qui permettrait de mettre 10 personnes par cabine non plus assises mais debout, le tout avec des accès plain-pied entre les véhicules et les quais voire les quais et l’extérieur :
En plus ces cabines pouvaient rester en ligne ce qui évitait de construire une grosse gare, la gare amont étant de plain-pied donc d’un accès direct, ce qui ne fut pas possible à l’aval du fait que la piste venant de Beauregard devait passer en dessous.
L’autre prototype était un double télésiège triplace fixe “Praz” / biplace fixe “Ruade” remplaçant les téléskis du “Crêt du Merle” et de “la Ruade”, un peu dans l’esprit des télésièges “du Loup” car faisant aussi pylônes commun mais avec cette fois un fût unique.
A cette occasion le garage technique de La Ruade fut beaucoup agrandi, et le visage du village fut chamboulé par ces installations conséquentes et visibles :
Quoi qu’on puisse en penser, ces appareils remplirent leur rôle en limitant considérablement la durée des queues au départ du secteur…
Plan des pistes 1984/85 :
On aura noté l’apparition des itinéraires très populaires de Borderan et du Fernuy, voire les couleurs de pistes qui depuis ont pu changer… et le prolongement du “Vraille” sur le stade de kilomètre lancé !
Après cet hiver particulièrement glacial et bien enneigé la SATELC, ayant constaté le phénoménal succès du toboggan installé à la piscine, misa à son tour sur la glisse estivale en installant sur le modèle de Chamonix une double piste de luge d’été métallique desservie par sa télécabine prototype, toute indiquée de par ses caractéristiques pour remonter les véhicules.
Les pistes de luge parallèles furent l’objet sur une carte postale d’une communication commune avec celle du toboggan avec le slogan “ça glisse à La Clusaz” :
Le succès de cette double installation, qui ouvrit en juin 1985, dépassa immédiatement toutes les prévisions : ce fut un véritable raz-de-marée qui relança enfin l’été à La Clusaz tout en augmentant significativement l’activité estivale de la SATELC, et qui s’expliqua après coup par l’absence d’installations de ce type dans toute la zone géographique proche mais aussi par le fait que les doubles pistes longues de 800m permettaient de faire la course entre usagers le tout en passant sous deux tunnels, ce qui plaisait particulièrement aux enfants.
Toujours à l’été 1985, on dévia une seconde fois la piste des Prises vers l’ouest en aval de la route la Croix-Fry avant de réimplanter au bord le télésiège de La Patinoire démonté l’été précédent, qui permettrait l’accès aux pistes de la Croix-Fry en survolant la route.
Dès lors le groupement de remontées mécaniques de La Clusaz intégrerait les deux exploitants de Manigod, la SERPAL sur Merdassier/L’Etale et la “Société des téléskis de la Croix-Fry” qui exploiterait le télésiège de liaison, à leur tour dotés des fameuses bornes Datatel.
Ces accords allaient permettre l’extension d’un bloc de 16 installations pour le domaine de La Clusaz, la liaison fut opérationnelle fin 1985 et eût un succès immédiat :
Elle permit en outre un nouvel accès au secteur de l’Etale via Manigod, contribuant ainsi à augmenter sa fréquentation.
Forte de ce succès, la SATELC poursuivit sa politique d’investissements : après avoir réassuré l’axe village/Merle, elle s’attaqua au point le plus noir, la télécabine de Balme. Au printemps 1986, on y faisait la queue près d’une heure et demie alors même qu’elle donnait accès à des pistes de qualité, les meilleures pour le ski de printemps. C’était inacceptable face à la concurrence des autres stations, qui avaient déjà presque toutes démantelé leurs télécabines biplaces.
La SATELC choisit la solution de la grosse télécabine, comme celle de la Patinoire, mais ne fit pas appel à Poma qui entre temps avait pourtant corrigé les quelques défauts de son prototype sur ses nouvelles installations.
Ce fut le haut-savoyard Skirail qui fut préféré car les délégations cluses furent impressionnées par son Aéroski de Tignes, qui venait alors d’ouvrir et offrait une plus grande flexibilité d’exploitation de par la technologie révolutionnaire qu’il employait en gares :
Au final ce ne furent pas 18 mais 25 pylônes qui supportèrent l’installation et on ne garda des anciennes gares que les murs de fond des caisses à forfaits et des deux restaurants “Les Chenons” et “La Bergerie”, inutile de dire que le budget ne fut pas tenu…mais qu’importe puisque l’engin fonctionnait à merveille et que son design particulièrement réussi l’imposa aussitôt auprès de la clientèle !
Il faut dire que la nouvelle télécabine dût accueillir des skieurs venus de toute la région, car en ce début d’hiver 1986/87 la neige disparut des montagnes à l’exception de la haute combe de Balme où l’on pouvait à peu près skier moyennant une attente hors normes aux téléskis de la Bergerie et de Torchère ainsi qu’au télésiège du col…
La situation s’améliora un peu en janvier et février avant de se détériorer à nouveau dès mars.
Les recettes de cet hiver 1986/87 furent fort mauvaises alors même que des sommes considérables avaient été empruntées pour moderniser les installations : Transval, télécabine de la Patinoire, luges d’été, double télésiège Praz/Ruade avaient mis à mal le budget de la SATELC.
Heureusement que la luge d’été marchait si fort, elle permit de passer ce cap difficile.
Ce fut en 1987 que la commune décida de bâtir un hôtel, le “Vita hôtel”, sur un montage financier original puisqu’elle en détiendrait les murs : il s’agissait de conforter l’offre en lits dits “chauds” sur le village, les résidences secondaires sur lesquelles s’appuyait depuis 20 ans le modèle de développement de la station ayant trop souvent les volets clos mais hélas les hivers sans neige, sans se ressembler trait pour trait, allaient se suivre…
Lors de la saison 1987/88 on put skier à Noël sur le Loup, l’Aiguille (ralliés via les télésièges de la Combe des Juments ou du Merle) et le haut de Balme rallié par la nouvelle télécabine mais quasiment pas de l’hiver au niveau du village, le pire de la saison tombant en février : seul le haut de Balme permit de skier de façon réellement satisfaisante, mais au prix encore une fois de files d’attentes effroyables, quand sur l’Aiguille, l’Etale ou Beauregard on slalomait sur des rubans de neige roussie entre les plaques d’herbe !
Les finances de la station commencèrent à être impactées par ces recettes en chute du fait des dettes accumulées les années précédentes pour moderniser les installations, mais il fallut réagir de toute urgence.
Ainsi le téléski de la Bergerie fut-il remplacé par un télésiège triplace, qui serait le dernier du massif, afin d’offrir du ski aux pratiquants de niveau moyen en cas de manque de neige.
L’hiver 1988/89 fut peu enneigé lui aussi, la saison se fit sur corde raide et le village fut souvent isolé de ses champs de neige qui n’étaient plus jointifs : un peu de ski par-ci et par-là, beaucoup de trajets en remontées mécaniques ou en navettes, mais un petit plus avec le télésiège de la Bergerie sur lequel put se rabattre la clientèle débutante histoire de fuir la saturation du plateau de Beauregard et les installations de la Croix-Fry…
La situation financière catastrophique de la SATELC ne permit plus aucun investissement et heureusement que durant l’été les luges sur piste continuèrent à marcher si fort : ce furent elles qui sauvèrent la société de la faillite !
Durant cette période de morosité beaucoup de commerçants fermèrent, occasionnant un certain renouveau tandis que la nuit aussi s’endormait progressivement : les établissements fermèrent les uns après les autres, l’immobilier chuta alors qu’il était devenu le moteur des finances de la commune qui dut se séparer de son “Vita Hôtel” qui, privatisé, renaîtrait sous le nom d'”Alpen Roc”…
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La décennie 1980 s’acheva ainsi dans une ambiance morose, et l’espoir ne revint pas avant la fin de 1990 et de grosses chutes de neige plus vues depuis quatre hivers, permettant à la station de renouer avec les bénéfices et d’apurer un peu sa dette.
Heureusement les hivers 1991/92 puis 1992/93 furent du même acabit, ce dernier étant dopé par l’effet jeux olympiques.
Justement, la Clusaz avait de nouveau pris du retard sur ses voisines savoyardes mises à niveau à cette occasion : il lui fallait commencer à se prémunir contre cet aléa neige dont il se disait déjà que sa fréquence augmenterait, et moderniser les installations qui d’ailleurs ces dernières années avaient beaucoup progressé niveau technique…
La SATELC, qui avait été pionnière en matière de télésièges débrayables à grande capacité, voulut équiper le Col de Balme d’un de ces engins quadriplaces rapides alors en vogue mais elle n’en eût pas les moyens : le conseil général de la Haute-Savoie dût même se porter garant de l’emprunt à hauteur de 50% !
L’article nous apprend qu’en mai 1993 la SATELC était à peine sortie de la zone rouge : le télésiège biplace fût ainsi prudemment remplacé par un quadriplace fixe dont le rôle se limiterait à faire cesser la queue tout là-haut, ce qui était déjà pas mal !
Le plan 1993/94, basé cette fois sur le panorama 1986 produit par Edi, ne le mentionne même pas en nouveauté :
On note l’apparition d’un parking à l’entrée du village, le “Salon des Dames”, et si l’est du domaine s’est en partie remis à niveau, à l’ouest rien de nouveau si ce n’est peut-être une piste “Tétras” rallongée jusqu’au pied du téléphérique de l’Etale !
Listing 1993/94, sponsorisé par la “coop du reblochon”, un comble au pays du fromage fermier :
Quelques commerces de l’époque, certains sont là depuis longtemps :
Si les bonnes saisons étaient revenues depuis quatre ans, les finances commencèrent tout juste à se rétablir suffisamment sérieusement, notamment grâce à la nouvelle attractivité de Balme dont l’enneigement était naturellement assuré.
Mais le retour ski au village demeurait un problème, en début et en fin de saison les bonnes années voire au milieu les mauvaises, pénalisant l’attractivité du village : il fallait de toute urgence de la neige artificielle sur la descente du Merle, seulement la SATELC n’avait pas encore tout à fait la capacité financière pour s’engager ni la maîtrise du foncier…
En 1994 les travaux furent donc entrepris par la commune seule : il s’agissait du petit lac artificiel temporaire du Crêt du Merle (au départ formé d’une simple excavation bâchée) et de son réseau d’enneigeurs fournis par le constructeur local Montagner depuis peu réorienté vers cette activité et dont ce fut la toute première installation, amenée à évoluer sur cinq ans.
Les canons à basse pression de type ventilateur commencèrent à tourner dès l’automne 1994, sur la piste verte menant au front de neige de la Patinoire qui constituait la première tranche du chantier :
Le moins que l’on puisse dire est qu’ils fonctionnèrent très bien, malgré une productivité limitée : ils permirent de rendre la piste praticable sur toute la saison, ce qui était devenu exceptionnel depuis près de 10 ans !
Dès l’année suivante le réseau fut donc étendu jusqu’au sommet de la piste du Crêt du Merle, soit plus haut que prévu, comme le montre ce plan des pistes 1995/96 basé sur un panorama d’Alain Rolland :
Notons aussi sur ce plan, outre celle d’un nouveau logo crayonné, l’apparition officielle de la piste dans la combe de Fernuy et du chemin des Encarnes qui ont été sécurisées par des dispositifs anti-avanlanches en prévision de la réalisation du premier projet d’envergure depuis 1986 !
En attendant la station investit à minima en se consacrant à la poursuite planifiée du chantier de neige artificielle, avec la modification du lac du Merle (porté à la capacité de 27 000 m3) puis l’extension du réseau basse pression vers le Bossonnet mais pas à l’arrivée des pistes de Beauregard contrairement à ce que montre le plan des pistes 1998/99 :
On aura noté la disparition de la variante historique des Prises sur la “Verte” de Beauregard ainsi que l’apparition du tracé pointillé de la télécabine dans la Combe de Fernuy, attendue depuis le début des années 1980… mais aussi la suppression de l’intermédiaire sur le télésiège du Merle, rendu inutile par l’efficacité des canons à neige !
Eté 1999 :
On aura noté les ouvertures estivales, outre le téléphérique de Beauregard et la télécabine de la Patinoire qui l’ont été dès leur origine, du télésiège du Crêt du Merle et du téléphérique de l’Etale… et même du téléski des Riffroids pour le Déval’kart !
Dans le même temps le coup d’envoi fut donné pour réaliser le pharaonique projet comprenant de nouvelles pistes, un nouveau réseau de neige artificielle et cette grosse télécabine 16 places :
Outre cet ambitieux téléporté, il comprenait à terme un second lac artificiel au pied de la combe de Torchère au lieu-dit “Plan Lacha” qui permettrait d’étendre d’ici 2001 et en bifluide le réseau sur le tiers inférieur de Fernuy, sur la Motte, sur le Louveteau, sur le bas du Bossonnet/Nant et même la sur l’intégralité de la piste bleue de Balme !
En 1999 ce réseau d’enneigement bifluide vit d’abord le jour sur les pistes de Fernuy et de la Motte, le titanesque chantier fut mené sans encombre à son terme et l’aménagement ouvrit en grandes pompes en décembre 1999 :
Un petit zoom sur ce plan des pistes 1999/2000, sur lequel la télécabine de Fernuy s’est enfin matérialisée, s’impose :
On aura noté sur ce plan des pistes que le mur des Rhodos est devenu le “Mur Edgar” en hommage au champion des bosses, tandis que le reste de la piste est devenu la bleue des Rhodos mais aussi que la piste “la Verte” a été scindée en une bleue (“Accès à l’Etale”) et une verte sur le bas de son tracé (“l’Envers”).
L’investissement de prestige sur Fernuy, dont le succès fut toutefois relatif du fait que les pistes y restaient élitistes, inaugurait une nouvelle ère d’optimisation du domaine skiable.
Pendant ce temps, la SATELC finalisa le rachat des installations de la “Société des Téléskis du Bossonnet” fondée en 1962, donc des dix petits exploitants historiques seuls trois demeurèrent : les sociétés des téléskis de Beauregard (STB), des Riffroids et des Laquais.
Fin décembre, deux effroyables tempêtes s’abattirent sur La Clusaz et Manigod, notamment sur les versants ouest du Crêt du Loup et de la Tête de Cabeau dont les forêts furent rasées en quelques minutes, marquant pour longtemps le paysage…
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Le nouveau millénaire commença comme le précédent s’était terminé c’est-à-dire dans une prospérité relative : la neige n’avait plus réellement fait défaut et l’expansion des compagnies d’aviation low-cost au départ de Genève eût un retentissement certain sur la fréquentation de la clientèle étrangère qui devint de plus en plus prégnante, notamment celles des belges et des anglais, les genevois ayant toujours fréquenté la station du fait de sa proximité immédiate.
La présence de l’enneigement artificiel, étendu comme prévu en 2000 aux pistes de l’Etrivaz et du Louveteau, servit de garantie et relança comme ailleurs auparavant l’immobilier.
Loin de rester en marge de cette nouvelle donne, la saison d’été fut bien au contraire celle qui en profita le plus nettement :
Dès lors les chalets individuels très luxueux commencèrent à fleurir et le commerce s’adapta à cette nouvelle clientèle, donnant au village une ambiance de plus en plus haut de gamme : les caves de Paccaly, un bar branché situé dans l’ancien hôtel vendu en appartements, et le nouveau restaurant “La Scierie” donnèrent le ton de l’après-ski…les plus jeunes leurs préféraient les bars et restaurants du centre village, à chacun ses lieux de vie !
Après le gros coup de la télécabine de Fernuy, la SATELC n’en resta pas là et changea le téléski de l’Aiguille pour un télésiège quatre places fixe similaire à celui du Col de Balme, confortant ici aussi le ski propre d’altitude en permettant de faire diminuer l’attente mais en l’occurrence au détriment de la vitesse… ainsi remis à niveau, l’est du domaine n’en devint que plus attractif par rapport à l’ouest, dépourvu de neige de culture et doté de remontées complètement obsolètes : le contraste était devenu si saisissant qu’il fallait réagir, c’est alors que la station commanda les premières études en vue de remplacer son historique téléphérique de Beauregard.
Étonnamment le plan des pistes 2000/01, toujours basé sur le panorama Rolland, ne mentionne pas l’arrivée de la neige artificielle sur le plateau du Merle alors qu’elle permit de conforter le ski débutant au départ du village :
Il mentionne encore le téléski fixe “Baby Laquais”, pourtant démantelé en 2000 et le passage en noir de la piste rouge “Tétras”…
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Après deux ans de pause relative, l’année 2003 allait marquer la fin d’une époque, celle du téléphérique de Beauregard, un appareil historique construit en 1955 et dont le débit n’était plus du tout en adéquation avec la fréquentation de la station.
Les mois de mai et juin virent disparaître la mythique installation tandis que des travaux de profilages eurent lieu sur la piste du Méridien, au-dessus de laquelle la route des Riondes passerait désormais via un pont.
La nouvelle télécabine fut montée au cours de l’été alors qu’en parallèle se poursuivirent les travaux du lac de la Fériaz, la troisième retenue collinaire qui alimenterait le nouveau réseau de canons à neige bifluides York.
La couverture de la gare aval de la télécabine de la Patinoire, à laquelle elle était accolée, fut également modifiée pour l’harmoniser architecturalement avec la sienne :
En décembre 2003 l’ensemble fut inauguré, le succès du nouvel appareil dépassa toutes les espérances et toutes les prévisions, à un tel point que la file d’attente ne disparut pas malgré un débit triplé !
C’est qu’en fait les gens avaient perdu l’habitude de monter depuis le village à Beauregard en raison du débit minable du téléphérique, et ils se réapproprièrent brusquement ce sommet dont les atouts ne sont plus à prouver : panorama sur le Mont-Blanc, neige, soleil, relief facile pour les débutants, piétons ou fondeurs !
Cette télécabine est bien présente sur le plan de 2003/04, qui comme tous ceux qui sont basés sur le panorama Rolland ne mentionne pas l’existence de trois lacs artificiels :
On aura noté que l’enneigement sur le bas de la piste “Méridien” rebaptisée “Guy Périllat” par la station en l’honneur de son champion, ne monte pas aussi haut qu’en réalité puisque cette première tranche atteignait la côte du lac de la Ferriaz, non représenté.
Il y eût du mouvement au niveau des pistes de l’Etale, la “Tétras” ayant été raccourcie donc ne traversant plus la route de la Croix-Fry, tandis que la piste bleue de “l’Etale” était devenue la piste rouge “Régine Cavagnoud” en hommage à la championne tragiquement disparue en octobre 2001…
Le plan mentionne bien au dos l’innovation constituée par l’arrivée de la télécabine de Beauregard mais également un nouvel évènement, la “Full Moon”, s’inscrivant dans la logique de repositionnement sur le haut de gamme et l’évènementiel de la station !
Après cette année 2003 et ce gros chantier de requalification de Beauregard, les investissements sur le domaine marquèrent une pause de quelques années durant lesquelles le virage luxe déjà amorcé s’accentua notablement, sous la pression de la clientèle étrangère toujours plus nombreuse : celle-ci atteignait désormais les 10%, du jamais vu auparavant !
Relativement contenu depuis la reprise du milieu des années 1990 mais toujours plus dopé par les travaux ayant eu court sur le domaine skiable, l’immobilier explosa de nouveau et l’on vit fleurir en tous coins des programmes immobiliers, essentiellement des chalets individuels mitant impitoyablement le Danay, le Gotty, les Confins ou les Riondes au dépend des pâturages, voire des immeubles comme aux abords du cimetière du village…
Sur les traces des caves de Paccaly et de la Scierie, on assista à la métamorphose d’établissements comme la cafétéria “Le Crêt du Loup” qui reprit son nom originel de “Relais de l’Aiguille” dans une ambiance nettement plus luxueuse, ou encore l’hôtel restaurant “Le Vieux Chalet” qui suivit le même chemin tandis qu’ouvrit à côté “Le Chalet des Praz”.
L’hôtellerie familiale de moyenne gamme marqua donc le pas, ainsi le “Nouvel Hôtel” et l’hôtel “Beausite”, des établissements éminemment historiques, furent-ils vendus à la découpe en appartements…
L’espace aquatique n’échappa pas à la tendance et fut entièrement revu et agrandi pour suivre l’augmentation de la population.
Suite à la mise en service de la télécabine de Beauregard en juin 2004, l’été vit exploser l’offre en circuit VTT de descente : pistes dédiées dessinées exprès, obstacles… cette activité estivale attestée depuis le début des années 1990 et apparue pour pallier le manque de recettes hivernales était en pleine révolution, passant d’une activité de complément à un véritable marché !
C’est dans ce contexte prospère que la SATELC prépara son plus gros chantier jusqu’alors, la refonte du massif de l’Etale : il s’agissait de supprimer les téléskis des joux, le télésiège et le téléphérique de l’Etale pour les remplacer par un télésiège six places débrayable mixte et un télésiège quadriplace fixe pour le haut du secteur, mais aussi de créer un nouveau réseau de canons à neige bifluide avec son lac artificiel, un parking et des caisses à forfaits !
Un chantier si important qu’il fut étalé sur les années 2006 et 2007 :
Le choix du tracé du “télémix”, s’il put paraître étrange, s’expliquait par la nécessité de récupérer les skieurs venus de Beauregard ce qui n’aurait pas été possible depuis le front de neige des Joux qui disparut purement et simplement.
Quant au choix d’un télésiège quatre places fixe, nommé le “Belvédère”, il s’explique par des raisons économiques : étant donné qu’il ne dessert que deux pistes en ski propre qui ne sont pas tout public et qu’il n’a pas de rôle de liaison intermassif, un débrayable n’était pas justifié…
Le plan des pistes 2007/08 est le témoin de ces énormes aménagements :
Le logo crayonné orange en a disparu, seul un des quatre lacs est visible, les nouveaux appareils de l’Etale y sont représentés tout comme le nouveau réseau de neige artificielle sur la piste du télémix (“les Joux”) et le retour station “l’Envers” !
On ne peut pas dire que le nouvel aménagement eut tout de suite le succès escompté : il faut dire qu’aller ou partir du massif de l’Etale restait malaisé, avec des pistes plates (“Accès”) ou trop difficiles (“Juments”/”Mélèzes”) tout en étant mal enneigées obligeant à emprunter à la descente le télésiège des Juments et le Transval… ainsi le nouveau massif ne fut-il véritablement fréquenté qu’en période de bon enneigement malgré sa dotation en canons, du coup ce fut le ski-club qui en profita, installant un stade d’entrainement profitant des canons à neige.
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Guillaume ATTARD pour Ski-aravis.com © 2015 – Droits réservés
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Bibliographie et iconographie :
- “La Clusaz”, P.V AUBRY (1931)
- “La Montagne” n°294 (janvier 1938)
- Dépliant édité par l’Union des Fédérations des Syndicats d’Initiative (1939)
- “Le Ski” n°136 (novembre 1955)
- Catalogue COOPAS La Clusaz (1971)
- SKI flash magazine n°1 (novembre 1972)
- “La Clusaz à travers les âges”, J.RACHEL, édition ATRA (1980)
- “80 ans de sports d’hiver à La Clusaz, au Grand-Bornand et dans la vallée de Thônes” (1982/1990)
- Magazine “Aménagement et Montagne” n°34 (mars/avril 1982)
- Magazine “Aménagement et Montagne” n°45 (février/mars 1984)
- Magazine “Aménagement et Montagne” n°52 (avril/mai 1985)
- Magazine “Aménagement et Montagne” n°57 (avril/mai 1986)
- Magazine “Aménagement et Montagne” n°123 (février 1994)
- “La Clusaz, mon village autrefois” F. THEVENET (1996)
- “Les pionniers du téléski”, P.MONTAZ (2006)
- “La Clusaz, histoire d’une station”, M.A CODRON (2006)
- Dépliants du syndicat d’initiative puis de l’office du tourisme (décennies 1950 à 2010)
- Publicité société Pomagalski
- Publicité société Montagner (groupe Poma)
- Cartes postales diverses (décennies 1900 à 1980)
- Cinémathèque des pays de l’Ain et des Savoies (captures d’écran et films)
- Géoportail (vues issues des missions de 1947 et 1948 : un grand merci à Laurent Berne pour la trouvaille, qui eût un très fort impact sur le récit concernant la période 1946/1950 !)
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Les anciennes remontées mécaniques du domaine skiable
La station de la Clusaz a compté au moins 44 remontées mécaniques qui ont disparus avec ou sans remplacement ainsi que deux appareils déplacés et toujours en service.
Cliquez sur les liens pour consulter le reportage de la remontée choisie.
Appareil | Années d’exploitation |
Constructeur | Autres informations | Accès historique |
Accès reportage |
Télétraîneau (version 1) | 1933-1935 | Auguste Fournier | |||
TK du Col des Aravis | Années 1930 | Georges Dandelot | |||
Télétraîneau léger du Col des Aravis | Années 1930 | ||||
Télétraîneau (version 2) | 1935-1945 | . | |||
TK, situé sur le haut de la Ruade | 1942-1947 | Gabriel Julliard | . | ||
TKE1 de l’Ecole | 1947 ? -1954 | Probable réutilisation du téléski de Gabriel Julliard | |||
TKD1 de l’Etoile du Soleil | 1951-1961 | . | |||
TKD1 des Cloches | 1961-… | Probable réutilisation du TK de l’Étoile du Soleil. Démonté en 1966 ? | |||
TK de l’Etoile du Soleil | …-… | Téléski de l’école Notre-Dame | |||
TKD1 du Lac | 1961 | Réimplanté à l’Etrivaz en 1966. En service de nos jours. | |||
TKF1/TKD1 des Confins | 1962-… | Téléski modifié dès les années 1970 | |||
TKD1 du Crêt du Merle | 1946-1970 | Applevage | |||
TKD1 de la Ruade | 1953-1970 | Pomagalski | |||
TKD1 du Crêt du Loup | 1948-1971 | Applevage | |||
TK de l’Ecole | 1954-1971 | ||||
TKD1 de l’Aiguille | 1957-1974 | Pomagalski | |||
TSF2 de la Combe des Juments | 1960-1980 | Pomagalski | |||
TKD1 de la Torchère | 1962-1983 | Montaz-Mautino | |||
TSF1/2 de la Patinoire | 1971-1984 | Pomagalski | Réimplanté en 1985 à la Croix-Fry | ||
TKD1 du Crêt du Merle | 1970-1984 | Pomagalski | |||
TKD1 de la Ruade | 1970-1984 | Pomagalski | |||
TCD2 de Balme | 1962-1986 | Müller | |||
TKD1 de la Bergerie | 1962-1988 | Montaz-Mautino | |||
TSF2 du Col de Balme | 1979-1993 | Doppelmayr | |||
TKD1 des Clus | 1963-1997 | Montaz-Mautino | |||
TKD1 de l’Aiguille | 1974-2000 | Montagner | |||
TKF1 du Baby Laquais | 1978-2000 | Montaz-Mautino | |||
TKF1 du Baby-Loup | 1975-2001 | Pomagalski | |||
TPH47 de Beauregard | 1955-2003 | Applevage | |||
TPH35 de l’Etale | 1961-2007 | Applevage | >> Accès reportage << | ||
TSF2 de l’Etale | 1977-2007 | Pomagalski | |||
TKD1 des Joux | 1961-2007 | Pomagalski | |||
TKD1 du Baby-Joux | 1965-2007 | Pomagalski | |||
TKD1 du Laquais | 1965-2008 | Montaz-Mautino | >> Accès reportage << | ||
TSD3 du Crêt du Loup | 1979-2012 | Pomagalski | >> Accès reportage << | ||
TSF2 du Mini-Loup | 1979-2012 | Pomagalski | >> Accès reportage << | ||
TKD1 du Louveteau | 1966-2012 | Pomagalski | >> Accès reportage << | ||
TKF1 du Half-Pipe | 2001-déplacé en 2012 | Pomagalski | A été réimplanté en 2013 au U’Frédy | >> Accès reportage << | |
TKF1 de U’Frédy | 1976-2013 | Schippers | >> Accès reportage << | ||
TSF3 des Praz | 1984-2014 | Pomagalski | >> Accès reportage << | ||
TSF2 de la Ruade | 1984-2014 | Pomagalski | >> Accès reportage << | ||
TKD1 du Bossonnet | 1962-2014 | Montaz-Mautino | >> Accès reportage << | ||
TKD1 du Baby-Bossonnet | 1965-2014 | Montaz-Mautino | >> Accès reportage << | ||
TKF1 puis TKD1 de l’Etoile des Neiges | 1962-2014 | Montaz-Mautino | Initialement aux Riffroids jusqu’en 1965 où il fut déplacé sur le plateau de Beauregard. Allongé ensuite par Montagner en 1977. | >> Accès reportage << | |
TKD1 du Nant | 1971-2017 | Montaz-Mautino | >> Accès reportage << | ||
TSD3 du Crêt du Merle | 1974-2017 | Pomagalski | >> Accès reportage << | ||
TKD1 des Aiglons | 1957-2021 | Montaz-Mautino | >> Accès reportage << | ||
TKD1 du Champ Bleu | 1959-2021 | Montaz-Mautino | >> Accès reportage << | ||
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Rappel des abréviations de remontées mécaniques :
Toutes les abréviations sont suivis d’un numéro qui indique le nombre de places par véhicules (ou par agrès suivant le type d’appareil).
- TKD : téléski à perches découplables (appelé aussi téléski débrayable)
- TKE : téléski à enrouleurs
- TKF : téléski à perches fixes
- TSF : télésiège à pinces fixes
- TSD : télésiège débrayable
- TCD : télécabine débrayable
- TPH : téléphérique
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